Ce blog constitue un recueil de témoignages issus du forum de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique

Témoignages "d'entendants"


(...)
Le temps s'est accéléré d'un coup et c'est tout mon futur qui bascule
Les envies, les projets, les souvenirs, dans ma tête y'a trop de pensées qui se bousculent
Le choc n'a duré qu'une seconde mais ses ondes ne laissent personne indifférent
« Votre fils ne marchera plus », voilà ce qu'ils ont dit à mes parents
Alors j'ai découvert de l'intérieur un monde parallèle
Un monde où les gens te regardent avec gêne ou avec compassion
Un monde où être autonome devient un objectif irréel
Un monde qui existait sans que j'y fasse vraiment attention
Ce monde-là vit à son propre rythme et n'a pas les mêmes préoccupations
Les soucis ont une autre échelle et un moment banal peut être une très bonne occupation
Ce monde là respire le même air mais pas tout le temps avec la même facilité
Il porte un nom qui fait peur ou qui dérange : les handicapés
On met du temps à accepter ce mot, c'est lui qui finit par s'imposer
La langue française a choisi ce terme, moi j'ai rien d'autre à proposer
Rappelle-toi juste que c'est pas une insulte, on avance tous sur le même chemin
Et tout le monde crie bien fort qu'un handicapé est d'abord un être humain
Alors pourquoi tant d'embarras face à un mec en fauteuil roulant
Ou face à une aveugle, vas-y tu peux leur parler normalement
C'est pas contagieux pourtant avant de refaire mes premiers pas
Certains savent comme moi qu'y a des regards qu'on oublie pas
C'est peut-être un monde fait de décence, de silence, de résistance
Un équilibre fragile, un oiseau dans l'orage
Une frontière étroite entre souffrance et espérance
Ouvre un peu les yeux, c'est surtout un monde de courage
Quand la faiblesse physique devient une force mentale
Quand c'est le plus vulnérable qui sait où, quand, pourquoi et comment
Quand l'envie de sourire redevient un instinct vital
Quand on comprend que l'énergie ne se lit pas seulement dans le mouvement
Parfois la vie nous teste et met à l'épreuve notre capacité d'adaptation
Les 5 sens des handicapés sont touchés mais c'est un 6ème qui les délivre
Bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction
Ce 6ème sens qui apparaît, c'est simplement l'envie de vivre.



Grand Corps Malade, "Midi 20"
Site officiel : GrandCorpsMalade.com
Source : FFSB








La traversée du Miroir (éthique et implant cochléaire)
Article publié dans "Ethique et implant cochléaire, Que faut-il réparer?"
Giot, J. et Meurant, L. (eds)Presses Universitaires de Namur, 2006, 92 p. ISBN 978-2-87037-530-3

Article que l'on peut trouver également sur : http://bdrion.over-blog.net/article-4612826.html



La traversée du miroir
Ethique et implant cochléaire


Dr Benoît Drion

Praticien Hospitalier, responsable de l’Unité d’accueil et de soins en Langue des Signes du Nord-Pas de Calais

Groupe Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille (http://www.ghicl.fr/patients-usagers/accueil-personnes-sourdes.asp)






Comment faire part de mes doutes sur les questions éthiques que pose l’implantation cochléaire chez les enfants sourds ? Depuis que la question me taraude, comme un indicible sentiment, j’y vois un abus de pouvoir d’une médecine trop organiciste. Un débat au cœur duquel se situe la Langue des Signes.





Signes non comme on copie, mais comme on pilote Henri Michaux









Comme tous mes collègues médecins, j’ai été formé à l’école de la médecine scientifique et de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler l’Evidence Based Medicine. J’ai personnellement la plus extrême réticence à l’égard de toutes les formes de médecines parallèles, celles qu’on qualifie parfois de « patamédecine ». J’ai longtemps pratiqué, avec plaisir, la médecine d’urgence en hôpital. Les services d’urgence sont des lieux, où la fréquentation quotidienne de situations médicales avec péril vital imminent, façonne inévitablement une manière de penser, dominée par des réflexes et des protocoles peu suspects de dérive romanesque. Plus formé à stabiliser la tension artérielle d’un polytraumatisé, qu’à écouter le mal-être de mes concitoyens, ce parcours médical particulier aurait dû logiquement m’amener à penser qu’on pouvait soigner la surdité comme n’importe quelle maladie. Mais ma rencontre, il a près de vingt ans, avec le monde des sourds, m’a apporté un tout autre éclairage que j’essaye de partager. Tout en sachant, le risque pris d’être rapidement catalogué de doux rêveur, de charlatan ou que sais-je, car il n’est aujourd’hui pas politiquement correct d’émettre des doutes sur la « vérité » médicale. Je crois aujourd’hui, très sincèrement que la médecine se fourvoie dans sa manière d’aborder, non pas la surdité des enfants, mais dans sa manière d’aborder les enfants sourds.

RENCONTRE AVEC LES SOURDS

Les sourds que j’évoque ici sont uniquement les sourds pré-linguaux. Au hasard de rencontres et d’amitiés, dès la fin de mes études de médecine, j’ai été amené à rencontrer leur monde. Je me suis vite rendu compte que, pour les sourds, l’accessibilité aux soins de santé était extrêmement problématique. Dans ma pratique d’urgentiste, j’ai effectivement été confronté plusieurs fois à des sourds en situation médicale dramatique. Ce constat n’a fait que s’amplifier, au fur et à mesure que mes yeux s’ouvraient. C’est à la demande pressante des sourds que j’avais commencé à fréquenter, que je me suis mis à apprendre leur langue. Parallèlement à mon métier d’urgentiste, j’ai développé une pratique libérale à Bruxelles, qui m’a permis d’accueillir des sourds et de balbutier avec eux en Langue des Signes. J’ai écrit à cette époque quelques articles dans des journaux médicaux pour tenter d’attirer l’attention de mes collègues. Sans grand succès, les sourds ne représentant qu’à peine un citoyen sur mille, comment un médecin lambda qui n’a dans sa patientèle qu’un seul sourd, peut-il voir qu’il existe un vrai problème de santé publique dans cette population ? J’ai appris à l’époque, par Diederik Zegers de Beyl , qui me demande aujourd’hui de partager mon témoignage, qu’un médecin, Jean Dagron , avait créé un accueil spécifique pour les sourds à l’hôpital Pitié-Salpétrière à Paris. A force de persuasion, il est parvenu à faire reconnaître cette problématique particulière par les autorités sanitaires. De fil en aiguille, quatorze pôles hospitaliers régionaux d’accueil des sourds en Langue des Signes ont pu être créés en France. Aujourd’hui, je suis responsable de celui du Nord-Pas de Calais. Dans le cadre de ce travail, nous recevons notamment un nombre important de ce que j’appellerais les « cabossés de l’oralisme », en souffrance psychique. Des personnes, qui savent qu’elles ont une surdité, mais à qui il nous arrive de devoir apprendre qu’elles sont sourdes.

Les équipes de tous les pôles sont constituées, au minimum, d’un trépied comprenant un médecin qui peut recevoir des patients directement en Langue des Signes, des interprètes français-Langue des Signes, et surtout, des professionnels sourds responsables de l’accueil, de l’accompagnement, de la médiation et de l’animation du travail linguistique. La France est à ma connaissance, le seul pays au monde où de tels dispositifs existent. Aujourd’hui à Lille, après seulement quatre ans d’existence, notre Unité d’accueil en Langue des Signes a reçu plus du tiers de l’ensemble des sourds de la Métropole Lilloise , toutes catégories d’âges confondues. Ceux qui émettaient des doutes quant à l’intérêt d’un tel service doivent aujourd’hui se rendre à l’évidence : oui, il y a des centaines de sourds complètement exclus du système de soins. Ce n’est pas le lieu ici d’en parler, mais je ne peux m’empêcher d’affirmer haut et fort que la situation sanitaire des sourds est vraiment catastrophique et les pôles français ne sont qu’un début de réponse. Faut-il rappeler le désert belge dans ce domaine ?

UN MONDE INVISIBLE

Ce long préambule m’a semblé nécessaire pour asseoir la légitimité de mon propos concernant l’implant cochléaire. Bien qu’imprégné de médecine scientifique, j’ai eu la chance de bénéficier de l’éclairage nécessaire pour voir ce monde du silence. Aujourd’hui, je suis impliqué dans le monde des sourds, à la fois en Belgique et en France et les anecdotes que je raconte ici proviennent d’un côté ou de l’autre de la frontière. Pour tenter de faire part de mon questionnement, j’utiliserais l’image suivante. Nous, « bien-entendants », sommes comme devant un miroir sans tain. Nous pensons les sourds à notre image. Nous pensons les voir dans le miroir, leur monde ne serait pas distinct du nôtre. Lorsque, avec le parcours qui est le mien, on arrive à éclairer un peu derrière ce miroir et que l’on voit alors à travers lui, on y découvre une tout autre réalité. La Langue des Signes est cette lumière qui donne à voir cet ailleurs invisible. Un monde avec sa langue, sa culture, ses codes sociaux, ses frustrations, ses joies, ses rêves. Parmi ces rêves, jamais il n’y a celui d’entendre avec les oreilles. C’est pourtant celui sur lequel, faute d’éclairage, notre médecine focalise aujourd’hui tous ses efforts. Le témoin privilégié que je suis, se doit aujourd’hui de faire tout ce qu’il peut pour faire la lumière.

Il n’est pas possible de parler de l’implantation cochléaire chez les enfants sourds, sans penser à leur surprenante rééducation, qui précède leur éducation et au dépistage précoce de la surdité, étape ultime d’une médecine dévoyée, solution finale à un problème dont la formulation même est biaisée. Propos excessifs me direz-vous ! Ecoutez la suite.

POUR SON BIEN

Lorsqu’il s’agit d’implantation cochléaire, il apparaît aujourd’hui légitime à toute une frange du corps médical, de s’affranchir du moindre raisonnement éthique. L’éthique ne nous apprend-elle pas que la médecine trouve d’abord sa légitimité dans le fait d’« enlever le mal » ? On enlève une tumeur, on enlève une pneumonie en tuant les microbes, on enlève une hypertension artérielle en administrant un médicament, on enlève un déséquilibre biologique lié à une insuffisance rénale en greffant un rein etc. Dans tous ces cas, le mal est identifié par le malade. L’éthique nous enseigne aussi que lorsque la médecine souhaite « apporter le bien », ce choix appartient au malade. Plus encore que lorsqu’on enlève le mal, l’intervention pour le bien des patients nécessite un consentement particulièrement éclairé.

Tout est question de point de vue et ceux de la médecine et des sourds diffèrent radicalement. L’ORL pense enlever un déficit auditif, nous verrons que ce n’est pas possible. Le sourd, pense plutôt qu’on veut lui apporter l’audition, même s’il n’est pas demandeur.

Le débat récent sur les aspects éthiques liés à cette greffe d’une partie de visage, vient parfaitement illustrer les choses. D’éminents professeurs de médecine se voient critiqués par d’aucuns qui mettent en doute le fait que la patiente ait marqué un « consentement éclairé » et qu’on ait suffisamment pesé les implications psychologiques de l’intervention. C’est une patiente à qui on souhaitait effectivement apporter quelque chose pour son bien. Dans ce cas le débat a lieu, les questions sont posées. Lorsqu’il s’agit d’implantation cochléaire d’enfants sourds, les questions ne sont même pas posées, il y a un affranchissement complet du raisonnement éthique, qui confine parfois à la caricature. En voici un exemple.

Il y a quelques mois, une réunion de médecins s’est déroulée dans un hôpital. Les aspects éthiques liés au dépistage précoce de la surdité et à l’implantation cochléaire devaient y être abordés. J’étais évidemment intéressé par le sujet. La dimension éthique du problème consistait pour ces médecins à se demander comment éviter qu’un seul enfant échappe au dépistage précoce et surtout comment faire par la suite, le diagnostic de surdité étant confirmé, pour qu’aucun enfant n’échappe à l’implantation cochléaire. La Ministre de la Santé (Communauté Française de Belgique) qui était présente s’est même répandue dans la presse médicale en parlant de filière de soins entre le dépistage précoce et l’implantation cochléaire.

J’étais abasourdi et j’ai décidé d’écrire à la Ministre pour lui faire part de mes inquiétudes. Sa réponse est un florilège de représentations complètement décalées de la réalité du monde de derrière le miroir. Cette Ministre, comme les autres, est bien entendu conseillée par une armée de scientifiques et « experts en surdité », dont le prestige dissimule un raisonnement scientiste sous-tendu par un projet exclusivement opératoire. Ce qui peut arriver de pire aux sourds en bisbrouille avec la manière dont la médecine les perçoit, c’est qu’un Ministre, lui-même médecin, soit en charge des dossiers qui les concernent. C’est malheureusement ce qui s’est passé en Belgique où c’est une néphrologue qui tient leur destin entre ses mains. L’orthophonie aurait-elle les mêmes effets sur un enfant sourd implanté que les immunosuppresseurs chez un greffé rénal ? L’une se chargeant de faire accepter la greffe par le moi psychique et les autres par le moi biologique ?

FILIERE DE SOINS

Pour qu’un programme de dépistage néonatal systématique puisse être mis en place, comme c’est le cas actuellement dans de nombreux pays (dont la Belgique et la France), l’OMS édicte qu’il doit répondre à un certain nombre de critères. Diverses affections sont ainsi dépistées en néonatal (ex. mucoviscidose, phénylcétonurie,…) dans le respect de ces règles. Il devrait théoriquement en être de même du dépistage néonatal de la surdité, pour lequel, étrangement, une série de critères qui rendent le dépistage admissible d’un point de vue éthique, ne me semblent pas rencontrés. En particulier ce type de dépistage doit être « éthiquement acceptable par les professionnels et la population ». Le problème, c’est que les sourds, dans leur grande majorité, sont farouchement opposés à ce dépistage. Lorsqu’on les interroge, il s’avère que ce n’est pas spécifiquement le dépistage qui les dérange, mais la filière de soins qui en découle et nous ramène à l’implantation cochléaire. Il en va de même d’une série d’autres critères qui ne poseraient pas de problème si le lien automatique – dépistage à diagnostic à implantation cochléaire - n’était pas érigé en filière de soins par les plus hautes autorités de l’Etat et de la médecine. Dans un tel contexte, les critères du dépistage précoce dépassent largement son cadre étroit et doivent se lire comme s’appliquant directement à l’implantation cochléaire. Et là, c’est beaucoup plus problématique. Il n’existe effectivement à ce jour aucune évaluation indépendante de la morbidité et de la mortalité directement liée à l’implantation cochléaire, pas plus que du rapport bénéfice/nuisance direct, à moyen et à long terme.

Et je ne suis pas seul à penser cela, puisque le Groupe Européen d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologies auprès de la Commission Européenne (GEE) a rendu un avis en mars 2005 qui mérité d’être cité : « Les efforts déployés pour promouvoir les implants cochléaires chez les enfants sourds posent des questions éthiques quand à son impact sur le porteur d’implant et sur la communauté des sourds (notamment ceux qui communiquent en Langue des Signes). Ils ignorent le problème d’intégration sociale du porteur d’implant dans cette communauté et ne prêtent pas une attention suffisante aux incidences psychologiques, linguistiques et sociologiques. Avant toute chose, ils promeuvent une vision particulière de la « normalité ». Du point de vue du GEE, la question des implants cochléaires elle-même, l’analyse risques/avantages et le problème d’accès équitable aux soins doivent être encore approfondis (sans oublier la distinction entre implants cochléaires unilatéraux et bilatéraux) ».

Je vous entends d’ici me dire : « Mais pour qu’une implantation cochléaire soit efficace, il faut qu’elle soit faite le plus précocement possible, comment voulez-vous dans ces conditions demander son avis à un enfant ? N’est-il pas légitime dans ce cas de demander son avis à ses parents (sous-entendu : pour son bien) » ?

Que faut-il entendre par implant efficace ? Vous me répondrez : « Un implant qui permette à l’enfant de s’intégrer, un implant qui lui permette d’entendre et de parler ». Je vous rétorquerai : « Qu’appelez-vous intégration » ? Le mot est magique, un sourd bien intégré est un sourd dont on ne voit plus qu’il est sourd me direz-vous ? Je caricature ? A peine !. Hors justement, je voudrais témoigner que ces dizaines de « cabossés de l’oralisme » que je rencontre sont justement ces sourds dont on a dit qu’ils étaient bien intégrés. Que faisons-nous de nos enfants ? Que faisons-nous à nos enfants ?

« Comment voulez-vous demander son avis à un petit enfant sur la pertinence d’une implantation cochléaire ? Réfléchit-on sur le traitement à suivre lorsqu’un enfant présente un cancer du rein » ? Vous vous souvenez : enlever le mal, apporter le bien ? Nous y sommes. On ne peut pas considérer que soigner la surdité c’est enlever la déficience, comment pourrait-on enlever un manque ? Il s’agit en revanche d’apporter l’audition. Et c’est là que la métaphore du miroir permet de mieux comprendre. Si l’on ne voit rien de l’autre côte du miroir, que l’on pense de bonne foi, qu’il s’agit d’un miroir classique, le petit sourd est nécessairement comme nous. Je crois d’ailleurs que la grande majorité des médecins sont de bonne foi, il leur manque seulement un bon éclairage. Lorsqu’on sollicite l’avis des parents d’un enfant sourd, sans leur allumer la lumière, ils répètent logiquement ce qu’ils entendent de ce côte, pour le bien de leur enfant. Si la lumière s’allume de l’autre côté, on comprend que le petit sourd aura une vie différente de la nôtre, ni plus gaie, ni plus triste, simplement en partie différente. On comprend alors très vite qu’il convient aussi d’écouter ceux qui savent comment on vit de ce côté-là, c’est-à-dire écouter les sourds adultes, parler de leur différence, de leur autre manière d’être au monde.

LE BONHEUR EN DECIBELS

Leur point de vue est radicalement différent, ce qui fait d’ailleurs le malheur des ORL qui se voient refuser presque systématiquement l’implantation chez les enfants sourds, nés de parents sourds. Soit dit en passant, n’y aurait-il pas là quelque chose qui devrait nous mettre la puce à l’oreille ? Ces parents sourds d’enfants sourds, qui refusent qu’on « soigne » leur enfant, sont-ils vraiment tous de grands pervers ? Je n’insinue pas qu’il faudrait laisser les adultes sourds prendre des décisions pour des enfants sourds de parents entendants. Je voudrais seulement indiquer qu’il conviendrait que la lampe soit systématiquement allumée de l’autre côté du miroir pour que ces parents voient le devenir de leur enfant, qu’ils voient que le bonheur ne se mesure pas en décibels. Il faudrait que de tels parents soient encouragés systématiquement à rencontrer le plus grand nombre de sourds adultes, qu’ils aient les moyens d’apprendre la Langue des Signes, cet éclairage qui leur permettra de comprendre qui sont les sourds. Au lieu de cela, tout est fait pour les priver de cette rencontre.

Contrairement aux recommandations du Comité Consultatif National d’Ethique (France), qui au vu de la grande incertitude en la matière, recommandait en 1994, que la Langue des Signes soit proposée systématiquement aux enfants sourds implantés, il n’en fut jamais rien. On peut d’ailleurs se demander à quoi servent ces avis, si ceux dont ils sont censés guider la pratique, n’en tiennent aucun compte. La Langue des Signes a même été systématiquement interdite par pratiquement tous les centres d’implantation. Dans un tel contexte, les parents qui l’ont proposée (parfois en cachette) à leur enfant, sont de véritables héros. Certes, cet avis a maintenant dix ans et formulait ces recommandations tant que l’incertitude sur le développement cognitif d’enfants implantés n’avait pas trouvé de réponse. J’affirme qu’aujourd’hui encore, il n’existe pas de recul suffisant sur le devenir de ces enfants à moyen et à long terme. Il est incontestable que leurs capacités de vocalisation sont améliorées. Mais qu’en est-il de leur parole, de leur capacité à symboliser, de leur subjectivité d’humain ? Constitueront-il demain, de nouvelles cohortes de « cabossés de l’oralisme » ? De quel côte du miroir se situent-ils ? Savent-ils même que ce miroir est sans tain ?

Lorsqu’on s’émeut du fait que la Langue des Signes soit si peu présente dans les Centres qui s’occupent de sourds, on s’entend inévitablement répondre que c’est faute de moyens, que si on avait les moyens… Qui attribue les subventions à ces Centres ? En début de chaîne, le financeur est le Ministère de la Santé. Qui conseille ce Ministère ? Les responsables des Centres préalablement cités, c’est d’ailleurs ce que les Ministres interpellés répondent. Ce n’est pas moi, c’est l’autre, cercle vicieux classique. Et pourtant, à peu de choses près, le coût d’un seul implant cochléaire (remboursé par la sécurité sociale) correspond au coût annuel d’un temps plein de professeur de Langue des Signes. Ce n’est évidemment pas l’argent qui manque ! Il est bien plus confortable de se laisser porter par le flot d’une pensée unique et simpliste, qui ramène l’humain et toute sa subjectivité à une histoire de sons. L’honnêteté nous oblige à ajouter que la plupart des Centres ont leur « déficient auditif » de service. Le problème, c’est que ces sourds qui pourraient apporter leurs compétences propres, sont là réduits à l’état de déficient auditif et qu’on ne tient en général aucun compte de leur avis et de leur connaissance intime de la surdité. Le turn-over de ces sourds dans les Centres est assez surprenant. Ils ne résistent en général pas plus de deux ans. C’est assez symptomatique du malaise ressenti.

LE PLUS BEAU CADEAU

Il m’est arrivé de recevoir en consultation, il y a quelques mois, une maman entendante d’enfant sourd. La date de l’implantation cochléaire de son fils était déjà fixée. Elle s’était renseignée sur les sourds et se posait la question de l’intérêt d’apprendre la Langue des Signes. Etant entendu qu’on lui avait dit « surtout pas » dans le centre d’implantation. L’accueil de nos consultations est fait par du personnel sourd en Langue des Signes. Lorsqu’elle m’a posé la question, j’ai ouvert la porte qui sépare mon bureau du secrétariat et j’ai demandé à ma collègue sourde de venir et de répondre à la question. Elle m’a regardé et elle m’a demandé : « Je peux dire ce que je pense ? ». J’ai été surpris par la question, je suis pourtant assez peu autoritaire et surtout pas du genre à ne pas laisser les gens dire ce qu’ils pensent. J’ai répondu : « Evidemment ! ». Et ma collègue s’est, comme je m’y attendais un peu, lancée dans un vibrant plaidoyer en faveur de la Langue des Signes. La maman a eu l’air rassurée, je pense que j’ai contribué à éclairer de l’autre côté du miroir. Avant de se quitter, elle m’a dit : « Mais vous, docteur, qu’est-ce que vous en pensez ? ». J’avais presque oublié que c’était moi qu’elle était venue voir. Elle devait encore aller payer sa consultation, il fallait bien que je dise quelque chose. Je lui ai dit : « Le plus beau cadeau que vous pouvez faire à votre enfant, c’est de vous mettre à apprendre la Langue des Signes. Je ne connais aucun sourd (et j’en connais beaucoup !), qui ait jamais reproché à ses parents d’apprendre la Langue des Signes, en revanche je ne compte plus ceux, qui passé l’adolescence, fassent le reproche insistant à leurs parents de ne pas l’avoir apprise ». Une autre fois, il m’est arrivé de recevoir en consultation, des parents et leur fils sourd. Quand ils m’ont vu discuter avec leur rejeton dans cette langue interdite (qu’eux ne pratiquaient pas, mais qu’il avait quand même apprise grâce à quelques contacts avec des sourds), ils se sont mis à pleurer tous les deux. Ils avaient traversé le miroir un peu rapidement ! Je leur ai dit un jour qu’ils devraient témoigner, mais ils m’ont fait comprendre qu’ils ressentaient une telle culpabilité, une telle honte de s’être fait manipuler, qu’ils n’y arriveraient pas, pas tout de suite.

Après la consultation avec la première maman, j’ai demandé à ma collègue, pourquoi elle m’avait posé la question de savoir si elle pouvait dire ce qu’elle pensait. Elle m’a expliqué que son propos n’était pas vraiment le discours habituel de la médecine et qu’elle ne savait pas si elle pouvait dire cela à l’hôpital. J’ai eu l’impression que le miroir avait changé de sens. Quelle est la force castratrice de cette médecine, qui peut pousser ainsi certains à l’autocensure, dans un lieu pourtant ouvert à la Langue des Signes ? Cela me fait penser aussi, à ces psychologues ou orthophonistes, embrigadés dans des équipes où la pensée unique est la règle, et qui sous couvert d’anonymat, nous expriment parfois leurs doutes et leurs inquiétudes.

UNE PROTHESE OSBOLETE

De toute époque, les prothèses auditives ont été présentées comme le sommet de la perfection. Avec le recul, nous savons ce qu’il en est maintenant des appareils auditifs d’il y a vingt ou trente ans. Nous savons aussi ce qu’il en est des premiers implants cochléaires, tellement « efficaces » qu’un certain nombre de sourds voudraient se les faire enlever. Ils savent la réticence des ORL à ôter ce qu’ils ont mis en place. Aucune marche arrière n’est possible. Les enfants sourds d’aujourd’hui, qui seront les sourds adultes de demain, lorsqu’ils sont privés de Langue des Signes, se seront construits au travers d’un implant aujourd’hui à la pointe et qui dans dix ans sera obsolète. Et aux parents des enfants sourds d’alors, tiendra-t-on le même discours qu’à ceux d’aujourd’hui ? L’implant de demain sera meilleur. Nous savons que cette quête asymptotique de la perfection n’aura jamais de fin. Parce que, de fin en cette matière, il ne pourrait y avoir, que si le corps que nous avons, venait se confondre avec le corps que nous sommes. Seul le langage nous sépare des autres animaux. Ce sont nos capacités linguistiques qui font de nous des humains. Qu’advient-il lorsque l’acquisition de sa propre humanité passe exclusivement par une prothèse qui demain sera obsolète ?

La médecine s’apparente parfois à une entreprise de normalisation. Et la société, par sa voix (les médias), abonde dans ce sens, en véhiculant les clichés les plus éculés. Plus encore en matière de surdité que dans d’autres, la médecine est aujourd’hui totalement sourde aux apports des sciences humaines, qui mènent une réflexion qui devrait pourtant l’éclairer en matière de surdité. Qu’il s’agisse de philosophes, de linguistes, de psychologues, d’ethnologues, de sociologues, de psychanalystes, de quelques médecins aussi, ou d’autres, le concert de ceux qui s’inquiètent de la dérive scientiste de la prise en charge précoce de la surdité, n’arrive pas aux oreilles d’une médecine qui ne veut pas entendre. Notre médecine, ma médecine, estime aujourd’hui légitime de manipuler chirurgicalement le mode perceptif d’autrui pour son bien, et cela ne poserait pas de questions éthiques ? La seule question qui vaudrait la peine d’être débattue serait de savoir comment faire pour qu’aucun enfant n’y échappe ? Le terme est peut-être à la mode aujourd’hui, mais faudrait-il parler de lepénisation des esprits ? Car l’entreprise totalitaire qui vise à éradiquer les sourds est en bon chemin. Accrochez-vous bien, en voici une illustration.

EUGENISME EN MARCHE

Dans le cadre de mon travail à Lille, j’ai été amené à recevoir plusieurs couples de sourds pour prise en charge de stérilité. Après un bilan de routine tel que je puis le faire, je les ai adressés à l’un ou l’autre service spécialisé. Nous savons aujourd’hui que la plupart des surdités ont une origine génétique, et donc, lorsqu’un couple de sourds enfante, il a statistiquement plus du chances d’avoir un enfant sourd qu’un couple d’entendants. Ce qui perturbe manifestement les équipes qui s’occupent de stérilité, mais pas du tout les sourds concernés, pour qui, généralement, il importe peu de savoir si l’enfant sera sourd ou entendant (avec parfois même une préférence pour qu’il soit sourd ; là aussi, cela ne devrait-il pas nous interpeller ?). Sans jamais leur refuser clairement la prise en charge de leur stérilité, on s’arrange, en multipliant les avis divers (notamment un bilan ORL complet, quel est le rapport avec la demande ?), les évaluations génétiques (dont ils ne sont nullement demandeurs, mais on leur dit que s’ils veulent un enfant, il faut savoir !) etc. A tel point, qu’avant même de prendre en charge leur stérilité comme on l’aurait fait pour un couple d’entendants, on les fait poiroter pendant plusieurs années (avec, en plus, un coût invraisemblable pour eux et la sécurité sociale). Des années, qui pour certains de ces couples, les amènent à la limite biologique de fécondité d’une femme. Et, je finis par recevoir un courrier de gynécologue, clairement soulagé que le problème ne se pose plus. Rien qu’à décrire cette situation maintenant par écrit, j’en ai des frissons. Et cette attitude n’est pas le fait d’un seul médecin, elle s’est reproduite avec plusieurs. Bien sûr, on me répliquera qu’il n’était nullement question d’eugénisme ! C’est moi qui n’ai pas dû comprendre. Et je ne parle pas ici de diagnostic anténatal, voire préconceptionnel, car là aussi j’aurais quelques histoires croustillantes à raconter. Les progrès fulgurants de la génétique nous réservent des débats qui relègueront celui sur l’implant au rayon des vieilleries. Le pire c’est que ceux qui ont ces comportements sont persuadés d’agir pour le bien. Dans l’histoire, à d’autres époques, certains qui agissaient pour une certaine idée du bien, ont parfois erré, avant de dire plus tard : « Si j’avais su… ».

PETITS MEURTES EN MUSIQUE

La capacité d’un enfant à se conformer à ce qui est attendu de lui est étonnante. Dans certains Centres, on va même jusqu’à faire chanter des enfants sourds, on en fait des musiciens. Formidables animaux de cirque, on ne voit plus qu’ils sont sourds, l’entreprise de déni est totale, mais tout le monde est heureux. Jusqu’au jour où ces oiseaux, qu’on a pris pour des poissons, finissent par se noyer. Certains de ces « cabossés de l’oralisme », victimes de ces petits meurtres en musique, viennent alors déposer chez nous, leur désarrois. Car on ne sort pas indemne d’une ou deux décennies à singer les entendants.

Et si les signes des sourds étaient à l’image de ceux d’Henri Michaux, représentant des mouvements, qui, dans « Face aux verrous », écrivait :

Signes des dix mille façons d’être en équilibre dans ce monde mouvant qui se rit de l’adaptation

Signes surtout pour retirer son être du piège de la langue des autres, faite pour gagner contre vous, comme une roulette bien réglée qui ne vous laisse que quelques coups heureux et la ruine de la défaite pour finir (…)

Signes non pour retour en arrière, mais pour mieux « passer la ligne » à chaque instant

Signes non comme on copie, mais comme on pilote (…)

Signes, non pour être complet, non pour conjuguer, mais pour être fidèle à son « transitoire »

Signes pour retrouver le don des langues, la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? (…)

Plus loin, il écrit encore :

Nous agissons sur leurs enfants avant qu’ils naissent, quand fœtus, ils gisent encore sans bouger dans le ventre de leur mère alourdie.

Mais nous bougeons. De loin, nous dirigeons au clavier. Ceux que nous « travaillons » cet été, naîtront sous le signe du têtard. Les organes de l’assimilation basse seront bien développés et ils penseront en volumes. (…)

Et ce n’est qu’une des mélodies de notre clavier, lequel permet des milliers et des milliers de combinaisons et parmi elles combien de néfastes, combien d’idiotisantes à la longue, combien de mortelles.


Source : le blog du Dr. Benoît Drion






Re: Aux responsables de la FFSB
Envoyé par: exoseth (---.157-65-87.adsl-dyn.isp.belgacom.be)
Date: dim 7 janvier 2007 00:52:43

L'entendant est une sorte d'observateur négligent...
Et il débarque un peu grossièrement
dans des territoires inconnus de lui,
sans se préoccuper des répercussions que cela peut créer.

...j'ai débarqué, il y a un an à peu près, et j'ai mis les pieds dans le plat...
en vous avouant mes négligences, mes indifférences passées,
et mon ignorance de qui vous êtes...
Malgré cet aveu, ou à cause de lui,
mes commentaires avaient provoqués des nausées (ou presque)...

J'étais un peu comme un enfant ignare
qui cherche à nager à contre courant,
heurtant vos pensées et vos ressentis,
vos expériences et vos vécus douloureux...
Cet aveu d'ignorance n'a rien de pittoyable ; c'est nécessaire... ca témoignait.
Il ne peut plus être question d'orgueil ou de lamentation, d'arrogance ou d'apitoiement. Ni non plus d'accuser les uns en valorisant les autres, et de susciter de nouveaux conflits ou ressentiments...
La question est de voir vraiment ce qui se passe, au-delà des murs...

Je suis un entendant...
le résultat d'une série de conditionnements issus d'une société d'entendants...
Et c'est ce "produit", ce "fruit" (moi), qui témoigne de la totale incapacité de l'éducation actuelle, de ce que les castes existent aussi en Occident... puisque la société et l'éducation ne m'avaient pas donné l'opportunité de connaître autre chose qu'elles-mêmes...

Il fallait un effort ou une épreuve...
Il fallait un malheur ou un hasard nécessaire...
Il fallait un jour de pluie ou d'ennuie, un éclat de rire ou une rencontre dans le metro...
Il fallait tout ca pour qu'un entendant entre dans "un monde minoritaire"...
Il fallait tout ca pour qu'un entendant apprenne progressivement à entendre avec le coeur...
Et... au début... ca fait mal à crever de savoir,
de s'avouer,
que ce n'est pas seulement "à cause de la société et de l'éducation" :
ma propre négligence et parresse
sont à la base-racine
de cet état d'ignorance des mondes minoritaires...
Ne pas connaître mes propres frères...
est d'une grande pauvreté...
certainement la plus grande de toute...
au même rang que d'ignorer la Nature ou les Océans...
C'est m'ignorer moi-même...
et c'est assurément la plus grande des pauvreté...

Je suis en entendant
mais je souffre également du fossé qu'il y a entre les hommes...
ce fossé que nous avons laissé apparaitre au fil des siècles...
De ce point de vue, les sourds ne sont pas les seuls minoritaires :
tous les hommes pourvu d'un coeur se sentent en minorité dans un monde perturbé...

La question n'est pas d'accuser les uns et de valoriser les autres...
Je constate seulement que, par la structure même de nos sociétés, les êtres sont séparés entre eux : si vous ne faites pas l'effort d'aller vers les personnes handicapées, vous ne saurez jamais qui vous êtes vraiment...
voilà ce qui se passe...

Mais soyons vigilants : les entendants sont aussi des handicapés.

Je suis un entendant, je sais ce que je dis.

Alors cet effort d'aller vers l'autre pour connaître et reconnaître SON PROPRE handicap... cet effort là est très difficile...
pourquoi ?
Parce que nos sociétés ne peuvent pas tolérer autant d'amour,
elles ne sont pas prévu pour une telle abondance de liberté à aimer...
Cet effort est très difficile parce que...
enfin... essayez de vous adresser à n'importe qui dans la rue, comme vous le feriez si c'était votre frère ou votre père...
cet effort est difficile parce que nous nous sommes adaptés à l'ignorance...

l'handicap est généralisé

cet handicap est un manque

alors que l'amour coule en abondance pour celui qui sait le voir...

l'handicap c'est de rester dans sa coquille
alors que...
une seule main franchissant la coquille suffit pour donner ou recevoir...
parfois un cadeau attend...
mais aucune main ne vient pour l'accueillir et le recevoir...

l'handicap c'est un peu tout ca...

Toute forme de nombrilisme est l'handicap majeur généralisé...



J'étais entendant...
tant que je ne me posais pas la question,
j'étais simplement entendant...
et c'était là un handicap sérieux...
De la même manière qu'un sourd ou un aveugle,
restant dans son huis-clos nombriliste
érige de ses propres mains un handicap quelconque...


La Nature ne ment pas.
Les hommes, par contre, s'handicapent eux-mêmes...


Au lieu d'enseigner Napoleon ou Charlemagne, on devrait enseigner ce qu'est un éco-système et comment le préserver.
Ce n'est pas un autre débat, c'est toujours la même question... la question de l'harmonie et de l'harmonisation...
Ce qui nous unit c'est ce que nous avons à faire ensemble pour vivre ensemble en paix... vivre ensemble "à l'aise"... et non pas pour "intégrer" ou "tolérer"...



Source : FFSB






Le "dire" des Hommes Libres
Envoyé par: exoseth (---.240-136-217.adsl-static.isp.belgacom.be)
Date: mar 6 février 2007 18:31:03


Parce que chaque destin est bancal
Fragile comme une fleur
Entre éclosion et disparition
Parce que chaque « dire » doit être respecté comme une science exacte…
Sortir de la prostitution des stars et des académies
Sortir du commerce des idées nécrosées par l’intérêt…
Parce que dans le « dire » il y a l’explosion des jeux viciés
Le « dire » est une grenade qui détruit les sales petits secrets des journaux intimes
Où, là aussi, la prostituée et le commerçant font ravages et tourments

Le compte à rebours dans le bide
Le « dire » s’appuie sur le « sans-appuie »
Comme des mots qui s’annulent pour que l’insaisissable surgisse
Le « dire » fait le jour sur le vin de l’oubli

Quel oubli ?

Le « dire » est celui de l’homme libre,
Le « dire » est « parole libre »
Que tout homme connaît, sourds aveugles ou entendants…
Ou a feint d’oublier ?


« Hommes de ce monde
Toi qui as laissé apparaître des systèmes de pensées
et des machines physiques
Quand tu touches à ma peau
C’est pour l’écorcher
De ton mental calculateur
Et de tes intérêts sans respect
Quand tu touches à ma langue
Celle du corps ou celle des vibrations sonores
Tu viens comme l’ogre affamé
Avec l’intention sans doute de m’avaler

Moi qui suis ta Mère
Tu m’as vomi
De quel sorte d'oubli te vêts-tu ?
Est-ce pour ça maintenant
Que tu te nies ?
Et que ta bouche est amère
Ton cœur sévère…
Pourtant tu es mon enfant
Et je suis la Vie »

« Mère, répondit l’Enfant,
La fascination pour la technique et l’esprit de contrôle
…la domination intellectuelle de tout ce qui nous entoure
M’a rendu muet, sourd et aveugle
A tout ce qui est Vivant en toi…
J’étais le plus grand des handicapés
Amoureux du langage masculin d’un monde mortifié »

« Mon fils,
Au-delà de tes croyances
Tu es l’union du Conquérant et de la Promise
Si tu m’aimes vraiment, tu es né à nouveau »


J’ai pénétré dans le « monde des oubliés » et "des oublieux"
Et c’était la bonne entrée
Et j’ai oublié l’oubli
Je me suis souvenu de mon handicap et de mon animalité
Quand je pensais ne pas en avoir, être civilisé
La compagnie du vent et des étoiles
Est venue pour consoler mes deux hémisphères
Et les réunir…
Ensuite… il a fallu se relever…
Comme on revient du pays des morts, ressuscité, né à nouveau
Pour transmettre la « libre parole »
Seule monture pour le cavalier libre

Comment ai-je pu vivre tous ces millénaires
sans rejoindre ce territoire universel où se tient la « libre parole »,
où se tiennent tous les hommes du début et de la fin
Où se tient le respect profond pour tout ce qui est Vivant…

Comme si la chair de mon grand corps Occidental entrait dans le mourir
Je ressens le besoin et l’urgence de me soigner à travers mes millénaires



La fascination pour la technique
Pour le langage technicien d’un monde mort
Pour l’esprit de contrôle et de domination
M’a rendu muet, sourd et aveugle…
A tout ce qui est Vivant
J’étais le plus grand des handicapés

J’ai remonté le temps…
Pour connaître ou me souvenir…
De nos vies ressassées où quelque chose s’est passé
La question était celle du langage…
Ils ont dit « vive la parole ! »
J’ai découvert en m’ensevelissant dans l’errance du passé
Qu’ils disaient « vive la parole ! » sans même savoir
Sans même avoir traversé la Parole elle-même :
Le territoire de la parole utilise le son mais aussi le corps

Là où ils ont divisé « parole » et « geste »
J’ai vu leur souffrance
Car rien n’est divisé…
Là où ils ont utilisé la raison
le contrôle et la manipulation
pour faire taire la « libre parole »
j’ai vu que les entendants et les sourds sont frères
devant ceux qui souffrent vraiment sans le savoir
et qui veulent faire taire « la libre parole »

Ils cherchent peut-être à ce que je me consume
En laissant pénétrer dans mon cœur toute leur amertume
Mais le défi c’est de regarder tout ça comme un enfant
Dans l’innocence de l’instant présent

Je vois bien que leur souffrance est la mienne…
J’ai vu que les bourreaux et les victimes sont frères
Devant la souffrance qu’ils se partagent et se confèrent

J’ai vu que la seule arme à ma portée
Ne pouvait pas être le langage des théories et des experts
Ma seule porte explosive c’est de faire résonner la « parole libre »
Celle du cœur et de la logique naturelle…
Où Sourds, Aveugles et Entendants… et le reste…
Sont simplement invités…


Source : FFSB

1 commentaire:

Anonyme a dit…

les larmes roulent de tant d'émotions surgissant à la lecture de ces lignes.....merci.....et joyeux noël à tous..