Ce blog constitue un recueil de témoignages issus du forum de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique

Témoignages de personnes appareillées



Bonheur avec implant... Mais...
Envoyé par: RETTMANN Nicolas(---.219.184.149.adsl.dyn.edpnet.net)
Date: ven 8 décembre 2006 22:58:44

Bonsoir Danielle,

Je me réjouis de lire votre affirmation concernant le parcours de votre fils Dennis et vous félicite.

Néanmoins permettez-moi de vous dire qu’un enfant n’est pas l’autre... et que tout enfant dépisté comme votre fils ne connaîtra pas nécessairement le bonheur qu’il a pu recevoir jusqu’à présent grâce à votre famille, au contexte social, à l’environnement, etc.

Ayant déjà lu vos très intéressants posts dans le passé (pour ceux qui n’ont pas encore consulté... aller sur archives – index des messages du forum), le parcours ressemble plus ou moins à celui que j’ai réalisé tout en étant appareillé (pour rappel je suis sourd profond du 2ième degré et l’implant n’était pas encore au point à cette époque bien qu’on tentait de le faire à l’étranger avec des échecs qu’on n’en parlera peut-être jamais...).

Actuellement, ce n’est pas mon témoignage qui intéressera les lecteurs et, je pense, ne doit pas servir d’exemple pour d’autres parents.
Ce qui m’intéresse surtout est de leur donner un tracé moyen que tout parent pourrait plus ou moins emprunter pour leur enfant.
Cela n’empèchera bien sûr de ne pas éviter les obstacles mais au moins de les minimiser... avec la collaboration des associations et centres existants qui hélas dépendent d’une politique parfois contraingnante.

Je sais que vous êtes très bien informée en la matière.
Mais combien de mamans et de papas le sont comme vous ??

Je ne voudrai d’ailleurs en aucun cas être la « gueule » à démontrer en matière de réussite au sein du cabinet de la Ministre Fonck, aux dépens des autres personnes sourdes et malentendantes qui ont connu des échecs... notamment à cause de toute leur politique résumant avant tout que le sourd doit être un patient pour recevoir les petits pains de l’INAMI, notamment en matière d’interprétation à titre d’exemple. Et j’en passe...

A l’égard de l’enfant sourd et de sa famille, un transfert de compétences ministérielles (santé vers enseignement) s’impose.

Quant à l’implant, je pense qu’il est trop tôt pour formuler une réponse positive. Une personne ne vit pas en moyenne 20 ans, durée de vie d’un implant, mais 60-70 ans ou plus. L’avenir nous le dira.

Dernière chose : ce que je n’ai toujours pas compris est la volonté de vouloir implanter une personne qui peut très bien en profiter avec des appareils auditifs. Quelle est donc la raison de cette volonté ?

Au plaisir de recevoir de vos nouvelles,

Nicolas





Re: Le futur des sourds "implantés" a-t-il un avenir ?
Envoyé par: Petiot(---.clin.ucl.ac.be)
Date: lun 20 novembre 2006 11:34:23


Je suis sourd de naissance, mes parents le sont aussi.
Quand j'avais l'âge d'environ 10ans, je ne souviens plus, l'orl de la clinique Universitaire Saint-Luc m'avait proposé la nouvelle technologie pour mieux entendre "l'implant".
J'avais répondu d'office un mot "NON" pour quelle raison, je n'aime pas l'opération et les risques en cas de panne, on perdra du temps en retournant à l'hôpital pour réopérer voire des séances intensives chez la logopède.
Mais mes parents ne me forcent pas car ils me respectent car c'est ma conscience qui décide ainsi c'est mon corps que je prends soin…

La chose unique c'est que je ne comprends pas du tout pourquoi n'existent pas une loi qui interdise l'implantation chez l'enfant jusqu'à sa majorité afin que l'enfant prenne la conscience d'en décider et non les parents mal informées….

Il ne faut pas croire que l'implantation a un risque de marge 0, pour moi ça n'existe pas, et c'est quasiment impossible car c'est usage INTERNE, c'est un cas très complexe c'est-à-dire que l'implant peut modifier le comportement de la personne (enfant ou adulte), des troubles psychologiques, perte des motivations, etc…

En plus, les parents entendant (en générale) préfèrent l'implant pour son enfant sourd, pourquoi car celui-ci bénéficie le remboursement total de la part d'une mutualité (25.000€ à 30.000€ pour l'opération, l'implant, etc…).
Par contre pour les prothèses auditifs, ça coute 2.000€ à 3.000€ pour le paire et la mutualité ne rembourse que 75% pour les enfants de moins 16 ou 18ans et 25% pour les adultes…. La honte, il faut protester.

En plus il existe l'arnaque dans la société, c'est-à-dire, si le niveau de la surdité de l'enfant ou la personne s'élève à partir 70% ou supérieur, le vendeur des prothèses dit que l'appareil plus puissant et bien supérieur à 1.800€ ou 2.000€ à l'unité ne servirait à rien du tout, c'est le commerce. Sauf pour les malentendants si la personne décide de prendre ça, libre à eux…
Quant à moi, je suis sourd de 80% et j'ai une PAIRE de prothèses auditifs numérique coute que 2.000€ et cela me suffit très bien largement…
Bien sur si les prothèses coutent plus cher = meilleures auditions, ça oui d'accord, mais pas beaucoup de différences pour les sourds de plus 75% de niveau de la surdité….
Qu'en penses-tu Delphine Lemaire, as-tu comparé les deux différents modèles?

Quant à moi, il faudra informer le ministre de la santé Rudy Demotte concernant l'implant et lui expliquer les risques importants, par rapport aux prothèses auditifs.
Ainsi le remboursement de la mutualité.
Il ne fait pas trop manifester car il se peut qu'il soit mal informé, alors il faudra bien expliquer clairement avec sagesse. Il est aussi le bourgmestre de Flobecq .

Il faut pas oublier d'ajouter une remarque à le ministre Rudy Demotte concernant l'exonération de la taxe Radio et TV ainsi réduction de 50% pour l'abonnement téléphonique ainsi TV pour les sourds ayant un niveau de la surdité de plus 60% ainsi pour les catégorie 2 de la vierge noire (inclus qu'à partir cat.3)….

Depuis ma naissance je porte mes prothèses auditifs même mes parents m'obligent à le mettre mes prothèses pour mieux m'habituer et finalement je leur remercie. Depuis 3ans, j'ai du changer mes prothèses analogiques par numérique, je remarque un énorme changement on entend un peu plus précisément les sons ou les bruits de l'ambiance mais aussi de la personne malgré je lis toujours à la lecture labiale.

Actuellement je travaille comme Administrateur Système en Informatique dans un hôpital, je m'y sens très bien à l'aise. Je remercie dieu pour avoir dit non pour l'implantation ainsi à mes parents pour tout ce qu'ils m'ont respectés ainsi soutenus pour mes études, ainsi mes études supérieures…

Source : FFSB




Re: Travail de personne sourde en milieur entendant
Envoyé par: Ben(---.179-112-217.pro.adsl.belcenter.be)
Date: ven 3 novembre 2006 16:55:45

Je suis sourd profond.
Ca fait 8 ans que je travaille comme ingénieur informaticien en milieu entendant, et je dois dire que globalement j'en suis déçu.
Si les premières années furent correctes, je ne vois pas de possibilités de m'épanouir et d'évoluer vers le haut dans ma carrière.

S'il existe dans mon milieu des outils merveilleux comme IRC (encore appelé logiciel de messagerie instantanée comme MSN) ou comme l'e-mail, il y a des limites à tout, même pour tout bon oraliste que je suis, du genre suivre les réunions, suivre des discussions techniques ou plus généralement des conversation à plus de deux personnes, que ce soit en travaillant ou pendant les pauses café ou dîner.
Mes collègues sont cependant patients et compréhensifs avec moi, mais cela ne suffit pas.
Je ne vois pas comment ils pourraient faire mieux, sinon me parler en LS, mais là je rêve un peu, même si j'ai appris l'alphabet à deux d'entre-eux.

Un interprète ?
Les réunions se font assez irrégulièrement, utilisent un jargon et se font à la fois en anglais et en français.
Un logiciel de reconnaissance vocale ?
Dragon Naturally Speaking 9, le dernier et le meilleur en date ne m'a pas convaincu et est monoutilisateur.

J'apprends la LS depuis deux ans pour essayer ensuite de me reconvertir professionnellement dans un milieu professionnel plus "LS".
C'est encore rare en Belgique, les ateliers de Grâce-Hollogne semblent être la seule entreprise "LS" européenne (!) mais je ne désespère pas que cela émerge un jour.
Je pourrais même me reconvertir dans l'enseignement de la LS ou des matières scientifiques dans les écoles de sourds.

Voilà. Désolé de te peindre un triste tableau, mais c'est hélas la dure réalité.
Comme d'habitude, il faut se débrouiller avec les moyens du bord.
Nous sommes les plus braves.

Source : FFSB


Re: Travail de personne sourde en milieur entendant
Envoyé par: Ben(---.179-112-217.pro.adsl.belcenter.be)
Date: lun 6 novembre 2006 13:52:13

Je suis plutôt peu d'accord avec le fait que les sourds ne peuvent pas être au niveau des entendants. J'ai terminé mes études parmi les premiers de ma promotion. Seulement il faut avoir plus de courage pour fournir plus de travail pour arriver à ses objectifs. Il faut rattraper le décalage en soirée ou les week-ends, il faut dépenser plus d'énergie pour suivre les cours. C'est le système qui nous empêche de suivre les cours avec la même aisance que les entendants.

Il faut prendre exemple sur les USA, le Canada, où les sourds sont beaucoup mieux intégrés: ils ont pu suivre leurs études universitaires complètement en LS et exercent quasi les mêmes professions que les entendants. La clé de tout ça est la LS mais malheureusement notre gouvernement nous met des freins considérables pour rattraper le retard dû au Congrès de Milan... En plus il existe encore de nombreux clichés sur les sourds, par exemple qu'un sourd ne peut pas parler correctement le français, ce qui est faux bien sûr, si cela se rencontre en fait dans la réalité c'est que les méthodes d'enseignement sont inappropriées: contrairement aux apparences, on peut apprendre le français avec la LS...

Quant au commentaire sur le fait que les sourds oralistes considèrent les sourds signeurs comme un monde à part, c'est plus ou moins vrai car ils ne se désintéressent pas complètement d'eux. Les sourds oralistes sont ceux qui ont choisi de faire comme les entendants, considérons-les donc comme des entendants: comme eux ils manquent simplement de moyens "démocratiques" de les rencontrer: comme les sourds signeurs sont mal intégrés dans la société, ils vivent un peu comme en ghettos. Heureusement actuellement les Chuuut parties semblent petit à petit briser les murs.

Si Michel a des problèmes pour se faire des amis et rencontrer des jeunes intéressants, les foyers sont là pour ça.
Si on parle du travail, alors là je comprends, la seule chose que je conseille c'est de s'armer de patience ou, pourquoi pas, suggérer au patron d'engager 1 ou 2 sourds en plus...
En effet, le meilleur modèle d'intégration professionnelle serait d'avoir à la fois des entendants et des sourds (et pas un seul !) qui communiquent entre eux en LS (sans obligation pour tous): cela constituerait un merveilleux modèle d'entraide. Voir par exemple Les Ateliers du Monceau et Exki.

Bien sûr qu'il faudrait plancher sur un projet de nouvelle entreprise intégrée, pour cela je pense qu'il faudrait pousser la barre plus haut en ne se limitant pas à un travail ouvrier comme les deux entreprises précitées: les sourds ont un énorme potentiel et il faut le prouver.
Pourquoi pas par exemple une sorte de "Turing Secours" de l'informatique: dépannage à domicile ou en atelier de PC, maintenance, services/aide(helpdesk) informatique, sous-traitance informatique, montage de PCs,...
Ceci requiert des diplômes divers allant du simple ouvrier à l'ingénieur...
Faudrait aussi se renseigner quelles sont les entreprises intégrées existants aux USA, au Canada, en Suède, ...

Source : FFSB


Re: Comment suivre une réunion professionnelle ?
Envoyé par: Ben(---.179-112-217.pro.adsl.belcenter.be)
Date: mer 4 octobre 2006 13:16:45

je ne suis presque pas la réunion et je laisse parler les personnes...
je ne vais pas demander à mes collègues de se mettre à parler en synchronisme avec moi...
J'interviens uniquement quand je capte bien quelque chose ou quand me revient le rôle...
Je me place à côté de mon chef qui prend des notes mais c'est très superficiel et après la réunion, je lis le rapport....
voilà mes moyens du bord.
Je vois mal la présence d'un interprète car le jargon technique (informatique) est élevé, il faut être dans le bain des projets et des problèmes en cours; par ailleurs la planification des réunions change tout le temps.
Je n'ai jamais utilisé un logiciel de reconnaissance vocale, étant peu convaincu des performances, mais je vais essayer de tester Dragon ...
Ceci dit, dans un moyen terme, j'envisage de me reconvertir dans l'enseignement de la LS ou tout autre travail me permettant de l'utiliser couramment, je suis vraiment lassé après 8 ans de travail dans le monde entendant, pas seulement à cause des réunions...
C'est quasi impossible de s'intégrer totalement dans le monde entendant...

Source : FFSB





Re: Le futur des sourds "implantés" a-t-il un avenir ?
Envoyé par: Marie-Florence(---.4-64-87.adsl-dyn.isp.belgacom.be)
Date: lun 20 novembre 2006 14:37:55

Un grand merci à Charlotte pour le témoignage qu’elle nous laisse.
Je ne vais pas vous cacher que pendant les conférences, tant celle de Yvette Thoua que de celle de Benoit Drion, j'avais envie de témoigner, de raconter mon parcours.
Mais avec tous les sourds qui protestaient dans la salle, je n’ai pas osé !!
Comment voulez vous témoigner dans un tel climat ?
Je félicite le Docteur ainsi qu’Arnaud qui ont osé le faire, eux.
Je vais le laisser ici, non pas pour étouffer celui de charlotte ou quoi que ce soit d’autre, mais pour expliquer une autre vision, peut-être un peu moins adolescente sans que ce soit péjoratif.

Je clarifie tout de suite, je n'ai pas d'implant, je suis sourde profonde et appareillée depuis mes trois mois.
Et je suis ce qu'on considère en général "un cas exceptionnel de réussite".
Je n'ai pas à me plaindre de grosses souffrances comme la plupart des sourds.
J’ai eu des amies entendantes, j’ai été très entourée dans ma scolarité, ma mère a appris le LPC, comme mon père et ma sœur, et ma famille m’a toujours acceptée, bref la vie un peu en rose…

Seulement, j'ai grandi dans un environnement exclusivement oraliste et mes seuls contacts avec la langue des signes ont commencé à 9 ans, lors des activités du CREE.
Au début j'ai bien paniqué, on ne pouvait pas pratiquer de LPC mais seulement de la langue des signes. Heureusement j'ai trouvé une fille qui était dans le même cas que moi.
On communiquait beaucoup entre nous, on se moquait beaucoup des sourds aussi au début. Ils criaient, ils étaient un peu à la traîne mentalement, bref... quels souvenirs !
Les premiers pas avec ce qu'on appelle aujourd'hui les vrais Sourds.
(Je ris intérieurement en écrivant cela, car ma vision a bien changé depuis, et heureusement, mais dommage que ça ait pris autant de temps !)

Mes parents, lorsque j'étais petite, ne savaient pas très bien ce qu'était la culture sourde, mon père m'a dit que ce qu'on leur renvoyait comme image était très flou, très mal défini mais que malgré tout, ils avaient ressenti une certaine appréhension de la part des adultes sourds au fait d'élever un enfant exclusivement dans l'oralisme, même s'ils ne savaient pas quelles étaient vraiment les raisons. (Heureusement qu’ils ont été perspicace malgré ce manque flagrant de précision dans l’information.)
Ils ont donc décidé de me laisser faire mon parcours en tant que personne sourde dans la mesure du possible.
Ma mère m'encourageait toujours à aller au CREE, elle n'a jamais bronché une seule fois de devoir payer le tarif des séjours, ... elle n'a jamais refusé que j'aie des amis sourds, que j'aille à Bruxelles les voir, ... (j’habitais à 150km de Bxl, maintenant je suis Bruxelloise ou presque)
Car tout ce qu'ils ne pouvaient pas m'offrir en tant que parents entendants et oralistes, ils savaient que je devais aller le chercher ailleurs, donc ils me poussaient à accomplir cette seconde quête de mon identité par moi même.

Rien que cela, c'est quelque chose qui devrait être présent dans l'esprit de tous les parents d'enfants qui ont un implant.
Moi je suis appareillée mais disons que je m'en sors 'tellement bien' que c'est un peu comme si j'avais un implant, si on oublie tous les problèmes techniques qui peuvent aussi être l'objet de discussions.
Je précise que j’ai toujours refusé catégoriquement l’implant, pour les mêmes raisons que Fred ci dessus et parce que ce que j’avais suffisait à mon bonheur (si je ne pouvais toujours pas téléphoner avec l’implant ce n’était pas la peine et j’ai bien fait apparemment).
A défaut d'informer chaque parent, il faut informer chaque médecin, et à défaut de le faire, seccouer les ministres qui eux sont nettement moins nombreux et plus influents.
Ca tout le monde l’a compris ici, du moins j’espère car c’est URGENT. (il faudrait aussi en parler aux psychologues du CCP je suppose vu que c’est quand même un gros organisme par lequel les parents sourds passent, et pas seulement les médecins !)
Malgré que je m'en sorte bien, un enfant qui aura un implant, je doute qu'il ne rencontre pas les mêmes problèmes que moi (difficultés dans les conversations de groupe, impossibilité de comprendre les compréhensions audio, difficulté parce qu'on reste un peu marginal dans le fond) et même s'il ne pipe pas mot en langue des signes dans son école, il viendra toujours un moment donné où, comme moi, il sentira qu'il a besoin de l'autre monde.
Quant à savoir s’il le fera ou pas, ça soulève deux problèmes.

Le premier problème est que ce besoin doit être encouragé dès que l'enfant est petit, sinon il s'habitue et puis au moment ou il rencontre les sourds, il est un peu paniqué parce qu'il est complètement différent d'eux, d'esprit, de culture, et bien souvent d'érudition.
C’est tout juste si j’ai réussi à m’intégrer, sur 10 ans environ !
C’est beaucoup 10 ans, je trouve !
Le deuxième problème est que quand on entre dans le monde sourd, en ayant un parcours d'oraliste, on se fait jeter ! Complètement jeter parfois ! (pensons un peu au problème de Gallaudet en ce moment tiens…)
Surtout si on ne connaît pas la langue des signes.
Le seul chemin qui nous permette vraiment d'entrer, de persévérer dans cette voie, ce sont les sourds qui se taisent parce qu'ils ont eux aussi été oralistes, ou bien parce qu'ils se disent "mon dieu on ne peut pas le laisser tout seul à souffrir, s'il vient auprès de nous c'est qu'il en a besoin", mais parfois à défaut de connaitre la langue des signes ou la culture sourde, on n'est autorisé à avoir son mot à dire qu'avec une certaine retenue ‘parce qu'on n'y connait rien’.
C'est vrai, parfois, maintenant que je comprends de mieux en mieux la culture sourde, parce que mon copain est sourd, parce que ses amis le sont, parce que les miens le sont, ... et parce que je suis sourde aussi moi dans le fond !
Et cet oralisme là, c’est pas ma faute !

Il faut penser à ce qu’on a en commun au lieu de penser à ce qu’on a de différent.

Quand je ferme mes appareils je ressens plein de choses pareil, ... je ne sais pas suivre des réunions dans un cadre professionnel, je rencontrerai sûrement une grande partie des mêmes discriminations plus tard, je ne sais pas mieux téléphoner qu'eux, je dois aussi me bouger le cul pour le médecin, ... et même si en général je n'ai pas besoin d'interprète parce que j'ai toujours fait sans et que j'y suis habituée, il y a encore plein de choses que je ne comprends pas, des conférences débat auxquelles je ne peux pas assister.
Et je ne vous dis pas la complexité pour avoir une interpète à l'université si de toute façon je voulais en avoir, plus affiliée au CCP, pas affiliée à la SISB car pas résidente en région bruxelloise, et la SISW n'offre rien pour l'enseignement.
Seulement ces minables tickets.
C'est pour dire que les tickets je n'en ai pas besoin parce que si c'est pour être entravée par les horaires précis du système de ticket (tu dois annoncer à l'avance pour combien de temps il y en a, mais qu'est ce que j'en sais moi !), si c'est pour me retrouver avec une interprète qui connaît si mal l'expression corporelle de la langue des signes et qui articule à chaque mot comme si je l'engageais pour lire sur les lèvres, (ce qui pour moi est plus perturbant que confortable, même si je suis oraliste et que je lis sur les lèvres à la base !) que je préfère encore mon FM, si c'est pour ne pas pouvoir annuler tout de suite, ...
MAIS, avec tout ça, ça fait plein de conférences débat auxquelles je ne vais pas parce que le FM ne suffit pas et les interprètes ça m'énerve.
Cela n’exclut pas que j’aie très envie de me battre pour que les services d’interprétations soient meilleurs, à la fois pour moi, que pour tous les sourds autour de moi qui en ont besoin.
Cela me met la rage au cœur d’en voir autant se plaindre.
Ce n’est pas normal.

D'autre part encore, toute la construction d'identité que j'ai du faire de mon côté sourde, je l'ai faite à 150 km de chez moi !
Ce qui veut dire que j'ai eu du mal à rencontrer des modèles de personnes sourdes, que mes parents m'ont mis des limites là où il n'aurait pas du y en avoir, sans que ce soit leur faute.
Si j'avais été plus près, j'aurais peut-être rencontré plus d'adultes sourds, mais je me serais peut-être moins développée sur le côté oraliste.
Alors quoi, dans le fond ? C’était très bien comme ça ?
OUI ! Mais ça ne le sera pas pour les futurs implantés si on n’agit pas.

Quelque chose sur quoi je voudrais insister : je ne me suis sentie seule dans le monde entendant qu’à partir du moment où j’ai commencé à fréquenter régulièrement des sourds, c’est à dire vers 16 ans.
Avant ça j’étais bien !
Sauf certains passages de mauvais caractère, d’exclusion de groupe, que je remettais sur le compte de ma surdité mais qu’avec le temps j’ai réussi à passer.
Je pense que si j’avais été à proximité d’une école de sourds, la tentation aurait été grande à ce moment de changer d’école ou de monde.
Mais je remercie la distance qui m’a forcée à passer outre beaucoup d’obstacles sociaux.
Qui font que dans le fond, je ne m’estime pas malheureuse puisque ce sont des problèmes comme des autres que j’ai résolus.
A partir de là je déplore un peu la faiblesse de certains jeunes sourds qui s’éloignent vite du monde entendant à cause de leur marginalité.
Il faut apprendre à affirmer son caractère et ne pas aller le fondre dans une autre masse qui nous convient un peu mieux.
Le principe des écoles bilingues a l’air pas mal à priori, mais avant de les tarir d’éloges, je préfère attendre les résultats psychologiques et identitaires et au niveau culture sourde de ces enfants.
Parce que la langue des signes qui y est présente dans les classes, ce n’est pas la langue de signe maternelle des Sourds !
Je serais curieuse d’aller voir dans les cour de récréation dans quelle langue ils s’expriment ?
J’ai peur pour l’avenir de la langue des signes car son foyer c’est dans les écoles pour sourds, jusqu’à présent, et pas dans les écoles bilingues.
Mais c’est un tout autre débat.

En bref, implant ou appareil, pour moi le problème des enfants oralistes reste le même partout.
Plus il y aura d’oralistes, d’après la communauté sourde, plus celle ci disparaîtra. L’autre possibilité est qu’elle évolue dans un sens positif, si on soigne l’accès à cette oralisme.
C’est pourquoi je ne m’oppose pas tellement à l’implant sans les problèmes techniques mais plutôt à l’oralisation aveugle des personnes sourdes et le projet de la ministre Fonck est un premier pas vers cela, idem pour le dépistage prénatal etc… et surtout à l’écrasement de la communauté sourde.
Avant d’oraliser tous les enfants sourds, soignons plutôt la communauté sourde, ça rendra probablement plus de personnes heureuses que le cas contraire.

Je suis d’accord avec le fait qu’il faille revoir aussi les conditions de remboursement mutuelle.

J’attends une suite à ce débat. Et des démarches concrètes !

Source : FFSB






Bilinguisme, biculture: l'implant, l'enlever quand on veut ? Pas tout à fait !
Envoyé par: Marie-Florence(---.ulb.ac.be)
Date: mar 21 février 2006 13:05:43

Je voudrais faire un "petit" clin d'oeil sur une chose qui me semble revenir souvent, dans les débats sur l'implant et ce soi-disant acte de contre-nature (où est la nature ici, en ce monde ?!) ou d'obstacle à ce que la vie nous a donné (la vie ne se limite pas à la naissance !) c'est que beaucoup de parents d'enfants sourds et implantés (parents qui, ne l'oublions pas, on fait, eux, l'effort de s'informer) et ayant opté pour une formule d'éducation bilingue (oooh que c'est beauuu... c'est franchement émouvant !) disent souvent de l'implant de leur enfant "s'il veut, il pourra toujours l'enlever."

Je trouve cela très séduisant, très joli, ... mais concrètement ce n'est pas chose aisée.
Cela pour une première raison, la plus évidente : les facilités de la vie quotidienne.
Mais bon, dans ce cas, supposons que l'enfant ait fait le choix de renoncer à ces facilités ou bien qu'y renoncer soit justement un accès vers plus de facilité, quelles que soient-elles.

D'accord, c'est faisable.

Mais je vais d'abord vous expliquer mon cas, cas qui n'est pas seulement le mien, mais aussi de quelques amis sourds que je fréquente souvent.
Nous sommes sourds, nous avons environ la vingtaine, sommes bilingues, plus ou moins bon signeurs, et fort bon oralistes, nous vivons dans une famille entendante qui nous a donné des appareils, un implant ...
Bref, nous faisons partie de cette génération de sourds qui n'ont pas connu l'implant mais qui ont pu avoir une scolarité normale, en milieu entendant, avec ou sans interprètes, et cela grâce aux immenses efforts de nos parents qui ont su faire de bons choix pour notre éducation et qui nous ont laissé choisir notre place soit en milieu sourd soit en milieu entendant.
Et bien sur grâce à nos facultés d'adaptation et bons restes auditifs, éventuellement (quoique nous sommes tous sourds profonds au moins au 2e degré).

Aujourd'hui, nous fréquentons les deux mondes, avec plus ou moins d'aisance, selon les individus.
Nous avons toutefois parfois quelques difficultés à appréhender tout à fait cette culture SOURDE (car il y a pour nous, SOURD tout à fait, dans l'ame, ou je ne sais trop comment définir et "sourd" ou dit sourd-entendant d'âme.) vu que nous sommes bilingues et nous retrouvons entre nous en tant que bilingues, ce qui, pour moi, a tendance à constituer une sorte de troisième classe, un monde un peu à part qui ne chevauche jamais tout à fait sur l'univers sourd, ni tout à fait sur le vaste territoire entendant.
Et bon, il semblerait que ça se voit !
Lorsque nous entrons dans le monde sourd, parfois on nous regarde et on nous demande, à nous seulement, presque, si on est "entendant" sans même que nous ayions levé les mains (mais à quoi voient-ils cela ? A notre regard ? A notre façon de marcher ?! Dites moi !) et dans l'autre monde, n'en parlons pas... on connait la situation de tout sourd, toujours en décalage par rapport à tout.

Voila que, dans une telle situation, imaginez que nous prenions la décision d'oter nos appareils auditifs.
Soit nous entrerions dans le monde dit SOURD total, et nous imprégnions davantage encore de cette culture sourde, que moi au moins, j'essaye aujourd'hui (aujourd'hui car ce n'était pas le cas il y a quelques mois, avec mon petit esprit manichéen) de comprendre du mieux que je peux, d'appréhender avec tous ses cotés positifs et négatifs, en évitant de comparer tout le temps avec le monde entendant, ce qui nous amène souvent à porter des jugements de gout un peu carrés et à étiquetter les deux univers.
Je reçois des informations, mais j'évite de juger, de dire que l'un est plus unifié que l'autre, l'un plus épars,... car dans le fond, c'est comme en sociologie ou en philosophie, on ne finit plus que par tirer des conclusions qui nous arrangent mieux ou qui appuient nos choix passés.
Cependant j'estime que mon bilinguisme me permet d'avoir une certaine objectivité par rapport à certaines situations et de me dire que finalement certaines caractéristiques définies du monde sourd ou du monde entendant n'en sont pas.
Je ne m'étendrai pas la dessus car je n'ai pas encore fait la tâche de tout répertorier, et comme je n'aime pas étiquetter ça attendra...
Il faut bien expliquer ce qu'est d'être sur les deux mondes (je ne parle pas ici d'être "vrai sourd" (ridicule le terme!) et avoir juste une ou deux connaissances entendantes et ne toujours pas savoir lire les journaux, pour moi ce n'est pas tellement cela la biculturalité).

Mais voila donc, si nous enlevons nos appareils, du coté du monde sourd, ce n'est pas trop grave... sauf qu'au début certains d'entre nous pourraient avoir quelques difficultés à se sentir acceptés : on parle trop français disiez-vous ?
Bon d'accord on va se mettre à la langue des signes ...
Et ce qu'on fait, c'est pas de la langue des signes ?
Ah bon, alors apprenez moi s'il vous plait ! Ah non vous ne voulez pas, il faut que j'aille suivre des formations UF1, UF2, etc ...
Dites, vous croyez que j'ai envie d'apprendre comme ça ?!
C'est comme dire à un noir va te mettre du charbon sur le visage tu n'es pas assez noir, après on fera l'effort de t'accepter comme tu es.
Et pour finir on se retrouve dans un cercle vicieux, on se retrouve seulement entre nous, c'est à croire qu'on est les seuls à supporter le français signé, non mais vous oubliez qu'on est "sourds" aussi !
Ah mais non pas tout à fait sourds, pour certains. On est quoi alors ?! Malentendants ? Créons l'union des malentendants alors...
Je ne dis pas que la situation est toujours comme ça, mais c'est en exagéré certains messages que nous ressentons auprès de la communauté sourde.
Et après ça il faut encore et continuer à l'aimer, certains sont vraiment courageux !
Mais oui, elle est si belleeeuuuh ! Et on l'aimeuuh ....

Bon pour résumer, jusque là avec l'opinion générale, en otant nos appareils et en supposant que l'on peut s'adapter tout à fait à la communauté sourde et tous ses cotés négatifs (questions indiscrètes, coté journalistique, psychotismes et troubles de la personnalité comme partout ailleurs...) on "risque" peut etre un peu de glisser dans un univers plutot que dans l'autre et perdre une partie de la richesse de l'autre rive... mais sans plus.

Regardons maintenant du coté de notre famille, de notre monde entendant ce qui se passe lorsque nous otons nos appareils.
Nous n'arrivons plus à suivre les conversations à table (en supposant que nous y arrivions !!), nos parents ne savent plus nous appeler du bas de la maison, nous faisons répéter nos parents 3 fois plus souvent, ils doivent faire davantage appel au LPC ou à la langue des signes...
Franchement, lorsque le bébé est petit, c'est facile de dire "il pourra les enlever quand il veut" mais lorsque ce petit bébé choisira de les enlever à 20 ou à 30 ans, ferez vous l'effort de vous remettre à la langue des signes ?
Personnellement, ma mère, à 47 ans, elle a du mal à s'y remettre (que voulez vous, elle l'avait abandonné car je me débrouillais SI bien avec le LPC)...
Et pourtant mon futur mari risque bien d'être sourd (euh, j'ai lu quelque part, dans un article de Mme Nadine Clerebeau que 90% des sourds se marient entre eux, c'est vrai ?! En tout cas, ouf ça fait réfléchir !) et de ne pas pouvoir suivre les conversations à table comme je le faisais si facilement !
Non mais, se remettre à la langue des signes après tant d'années, ce n'est pas facile ! C'est plus facile pour eux de lever un sourcil et dire "va mettre tes appareils hein pourquoi tu les enlèves !?", et au moment ou ça les arrange, quand j'étudie par exemple c'est l'effet inverse "coupe les hein ! Tu peux les couper alors pourquoi tu ne le fais pas ?" Et moi de répondre : " je préfère étudier dans le PETIT bruit", etc, pour diverses raisons.

Chez moi, oter mes appareils, en prendre la décision, c'est impossible, ce serait couper les ponts avec ma famille, leur imposer de nouveaux efforts alors qu'à 20 ans je suis déjà fort autonome et qu'ils voudraient et ça se comprend, être arrivés au bout de leurs efforts.
Non, je ne peux pas leur faire ça.
Ils m'ont déjà donné tant d'amour, c'est à moi aussi de trouver un compromis.

Cela dit, mes appareils, en toute franchise, je ne veux pas les oter définitivement et si je le voulais, ce serait quelque chose d'un peu égoïste, vous ne croyez pas ? J'ai, comme on le dit trop souvent : TELLEMENT FACILE.

Toute cette tartine témoigne que des fois oui, le fait d'implanter ou appareiller un enfant peut lui donner un bel avenir, et grâce aux parents il peut être bilingue et que des fois, ce bilinguisme, très souvent partiel car il faut encore voir quand l'enfant a connu les deux mondes, et s'il les connait tous les deux à un moment ou l'autre les acceptera-t-il tous les deux à valeur égale ?
L'un ne sera-t-il pas toujours plus facile que l'autre ?
On connait bien le français mais mal la langue des signes, de travers, assurément de travers, une langue des signes en français parce que l'esprit est éduqué au français.
Donc ce bilinguisme est possible, à condition que l'enfant soit éduqué dans une grande ouverture d'esprit, car même s'il a fait les maternelles avec les sourds, les primaires avec les entendants, ou bien les deux en parallèle, rien ne dit qu'il ne choisira pas exclusivement un monde plutot que l'autre pendant l'adolescence et après la majorité.
Mais voila, je voulais JUSTE dire, tout en témoignant de ma situation (j'essaye de généraliser, à partir de mon pif car je ne suis pas quelqu'un de très scientifique.) qu'on ne change pas de route comme ça, en enlevant juste l'implant ou l'appareil auditif car ce changement passe par l'entourage et par un grand nombre, vraiment grand, de questions identitaires sur lesquelles je trouve qu'on ne se penche pas assez, car on devrait, vu l'avenir des enfants sourds d'aujourd'hui !

Je voudrais ajouter qu'il me prend parfois de considérer le bilinguisme comme une troisième catégorie, comme quelque chose d'intermédiaire, quelque chose qui peut enrichir la culture sourde, quelque chose qui peut l'aider, plutot que quelque chose qui peut la mener à sa perte, à condition d'avoir bien compris cette culture sourde et de ne pas vouloir à tout prix éradiquer ses aspects négatifs, car encore faut-il être sur qu'ils lui soient propres et personne ne peut en être certain.
Je pense que cette vision n'est pas étrangère à certains "penseurs" sourds ici sur le forum.

Source : FFSB

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