Ce blog constitue un recueil de témoignages issus du forum de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique

Travail de prévention : le dépistage néonatal systématique de la surdité


Deux étudiants en soins infirmiers ont présenté en mars 2007 un dossier sur le dépistage néonatal systématique de la surdité.
Celui-ci se base en partie sur les quelques informations réunies dans ce blog.
A la suite de ce "préambule", principalement axé sur la prévention, les questions de déontologie et d'éthique, s'en suivra un travail de fin d'études prévu pour l'année 2008.






                            Année 2006 - 2007









              Travail de prévention


    Dépistage néonatal systématique de la surdité en Communauté Française

































          Dépistage systématique de la surdité




Définition :

Surdité : diminution très importante, ou inexistence totale de l’audition, qu’elle soit congénitale ou acquise.

Le dépistage est là pour déceler les hypoacousies sévères de perception. Il s’agit d’une diminution de l’acuité auditive dans laquelle la transmission est bonne mais la perception défectueuse.
Il y a plusieurs stades avec des pertes auditives variables mais le plus fréquent sont des demi-surdités profondes et surdités profondes.
Mais nous n’allons pas plus nous étendre sur la surdité et vous parler, plutôt, des préventions primaire, secondaire, tertiaire et du dépistage proprement dit.



Prévention :


1er :
L’ONE promeut le dépistage auprès des familles, campagne de sensibilisation qui démarrera probablement vers mars 2007 par le biais des réseaux de télécommunication (télévision et radio), de folders au sein des maternités afin de pousser les parents à « dépister » leur enfant, des gynécologues et médecins généralistes.


2ème :
- Dépistage proprement dit : test auditif « otoémission acoustique provoquée » (OEA), réalisé soit par l’infirmière, le logopède, l’audiologiste, la puéricultrice… On procède alors à un enregistrement de ces otoémissions (: ondes sonores émises par l'oreille interne de façon provoquée par une stimulation sonore) ce qui permet le dépistage précoce de la surdité chez le nourrisson (avant 6 mois) susceptible de présenter un risque suite à une maladie héréditaire ou à une autre pathologie.
- Nouvelle législation sur le dépistage
- Création de structures pour le dépistage
- Formation du personnel médical pour le dépistage


3ème :
- Appareils auditifs, implants cochléaires (remboursés à 100%)
- Centres de réadaptations, logopèdes, ORL, pédiatres, audiologues, psychologues
- Pension d’handicap
- Ecoles spécialisées
- Sous-titrages, sur-titrages, téléphones spécifiques, réveils vibrant, etc.
- Fédération Francophone des Sourds de Belgique, etc.




« Dépistage systématique »… qu’est-ce que cela veut dire ?

Il y a des maladies de nouveaux-nés qui sont dépistées, car très dangereuses, comme :

- La phénylcétonurie (PCU)
- La drépanocytose
- La mucoviscidose

Cela veut dire que tous les nouveaux-nés y passent, comme pour le test de guthrie (ou phénylcétonurie) donc pour la loi, la surdité est une maladie… pensez à cette question, et nous y reviendrons plus tard : la surdité est-elle une maladie ?


La Belgique, la Communauté Française, a instauré un dépistage néonatal systématique de la surdité. Ce dépistage a reçu l’approbation du corps médical et de tous ses intervenants. Il a été élaboré afin qu’aucun enfant n’y réchappe. Tous les intervenants qui s’y attachent, c’est-à-dire le personnel médical, les infirmiers, les travailleurs sociaux (ONE), les logopèdes, les ORL, les audiologues, les psychologues, ainsi que les organismes assureurs, veillent à ce que ce dépistage soit rigoureusement suivi d’une prise en charge rapide et efficace de l’enfant sourd dans une « filière de soins » qui, semble-t-il, mène inexorablement à l’implantation cochléaire.



Protocole d’organisation du dépistage néonatal systématique de la surdité (cf. annexe)


Ce dépistage systématique permettra, grâce à sa « filière de soins », d’apporter l’audition à des milliers d’enfants déficients auditifs !

Pour nous, soignants, soigner la surdité et permettre à ces sourds de pouvoir s’intégrer dans notre société, d’y trouver leur place, est tout à fait légitime… C’est notre rôle.
Mais en tant que soignants, n’est-il pas de notre devoir de réfléchir aux conséquences de nos actes, au bien-être du patient, et de l’accompagner vers son autonomie ?

« Nous « bien-entendant » pensons les sourds à notre image, mais le monde des sourds a sa langue, sa culture, ses codes sociaux, ses frustrations, ses joies, ses rêves. Et parmi ces rêves, il n’y a pas celui d’entendre avec les oreilles » Docteur Benoît Drion

Les sourds ne se sentent pas malades !!




Ce dépistage systématique de la surdité n’est pas sans soulever quelques questions épineuses qui, nous pouvons l’envisager, bouleversent totalement les conceptions médicales, ou en tout cas permettent une réflexion profonde et éclairée sur les fondements de la médecine occidentale, ainsi que sur notre acceptation aveugle (et sourde ?) de toutes ses dérives…

Pourquoi les futurs intervenants que nous sommes ne sont-ils pas au courant de ce qu’est véritablement la surdité et le monde des sourds ?
Pourquoi les maternités ne reçoivent-elles pas une documentation détaillée concernant la communauté sourde ?

Pourquoi la « filière de soins » est-elle imposée comme la seule et unique solution, liée à une seule perspective et une seule vision « réparatrice », et donc empêche une acceptation saine de la surdité où l’idée de maladie et d’handicap serait simplement absente ? Le sourd ne se considérant pas du tout comme malade ou handicapé tant que l’on respecte son identité, sa communauté et sa culture liée à sa langue naturelle, la langue des signes. L’handicap vient essentiellement de structures sociales handicapantes, du non-respect des différences.

« Réparer » la surdité, c’est supprimer une identité, un langage, une culture et une communauté ?

Avec la volonté de soigner, typique du corps médical, nous omettons le respect des identités, sans soucis des réels besoins fondamentaux, de la réalité propre des vécus individuels, du libre arbitre.

Pourquoi presse-t-on les parents d’enfants sourds à prendre une décision si importante (l’implantation) sans tenir compte de toute la phase psycho-affective si fondamentale des premières semaines de maternité ?

Pourquoi les sourds n’ont pas leur place au niveau des prises de décisions liées au dépistage ; pourquoi les équipes pluridisciplinaires impliquées dans le processus des « filières de soins » ne comportent pas des personnes sourdes ?
La vision médicale ne doit-elle pas se compléter d’une dimension humaine proprement évincée de toute l’armature économique et politico-scientifique.

Il y a une profonde contradiction qui ne semble pas être relevé par le corps médical : nous avons pour tâche de rétablir l’autonomie des patients, alors pourquoi cette « filière de soins » a nécessairement pour conséquence une dépendance à long terme due à toute la rééducation associée à l’implantation, les opérations fréquentes constamment adaptées au renouvellement des technologies, l’entretien régulier des appareils, etc. ?
Cette contradiction révèle un problème de déontologie, mais le cas relève aussi des questions d’éthique ; pouvons-nous supprimer une communauté par simple « soucis réparateur » ou par simple préoccupation budgétaire ?





          Un médecin parle au nom des sourds





Le syndrome de l’enfant calque

La pratique médicale nous amène parfois à nous interroger sur des sujets auxquels la faculté ne nous a pas préparés. Tel est le cas de ce que j’appellerai le syndrome de l’enfant calque. Un syndrome trouvant son origine dans l’enfance, passant souvent inaperçu à cet âge, pour se révéler pleinement au-delà de l’adolescence.
Tout commence généralement par la naissance d’un enfant sourd dans une famille d’entendants. Rapidement confié aux équipes médicales et rééducatives, le monde s’organise autour de lui. On soigne sa surdité, on guérit sa mutité. On nous dit qu’il pourra s’intégrer comme un entendant. Et pour preuve, bon nombre de ces enfants se mettent à gazouiller, à babiller, et même à articuler de manière intelligible leurs premiers mots. La surdité ne semble plus qu’un lointain souvenir. Parfois même, ces petits sourds se mettent à vocaliser plus précocement que leurs frères ou sœurs entendants, qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’autant d’attentions rééducatives.
Plus tard, leurs institutrices maternelles témoignent que leur intégration est à ce point réussie, qu’on ne voit plus qu’ils sont sourds. La médecine voit là une preuve irréfutable qu’elle a gagné la bataille contre ce handicap épouvantable qu’est la surdité. Celle qui auparavant, conduisait à cette mutité tellement effrayante. La surdité n’a jamais effrayé personne, c’est la mutité qui faisait peur. C’est d’ailleurs d’abord en fonction de leurs capacités articulatoires que les petits enfants sourds sont jugés par leur entourage. Ils parlent ! La médecine les a fait entendre et parler. Nous verrons plus loin que ceux de ces enfants, victimes du syndrome de l’enfant calque, vocalisent le français, plus qu’ils ne le parlent.

L’ENFANT « COMME… »
Ces enfants sourds, nés dans des familles d’entendants francophones, articulent le français. Ils sont à l’image de leurs frères et sœurs entendants, ils peuvent même parfois faire de la musique. Je me suis toujours demandé pourquoi, l’initiation à des arts visuels, tels la peinture, le dessin, la danse, le théâtre ou d’autres, est si peu encouragée chez ces enfants, la musique - surtout symphonique, les percussions seraient trop simples - étant souvent présentée comme le summum de la réussite. Un peu comme s’il était plus glorieux de gravir l’Everest en marchant sur les mains. Comme si une entrée dans le Guinness book des records était synonyme de bonheur. On ne voit plus qu’ils sont sourds, ils ont complètement intégré le comportement des entendants, ils sont comme eux. C’est l’idéal de l’enfant « comme… ».
Les années passent et les difficultés scolaires apparaissent. Les efforts deviennent d’autant plus lourds, qu’il s’agit de surmonter une surdité dont tout laisse à penser qu’elle n’existerait plus. La vie s’organise « autour de », plutôt qu’« avec ». Le français est parfaitement scandé, parfois correctement écrit. Viennent alors les premières poussées d’hormones et les bouleversements qu’elles entraînent. Le parcours scolaire devient difficile, certains résistent mieux que d’autres. Parfois tolérée plus tôt, c’est souvent à cet âge, que la langue des signes fait son entrée. Suivant les cas, assumée en famille, pratiquée en cachette, d’autre fois avec fracas, dans un environnement peu préparé, elle envahit peu à peu l’espace et le temps. Il arrive qu’elle n’ait pas droit de cité du tout, ce qui nous conduit aux syndromes les plus sévères.

LA PORTE MAGIQUE
C’est à partir de ce moment de leur parcours, où leurs visites dans les Centres d’audiophonologie commencent à s’espacer, que nous rencontrons régulièrement pour la première fois ces jeunes adultes dont leur entourage dit souvent qu’ils sont bien intégrés. Notre unité d’accueil et de soins en langue des signes avait, fin 2006, une file de plus de 700 consultants. Parmi eux, notre équipe connaît aujourd’hui, plus d’une centaine de victimes à des degrés divers, de ce que j’ai appelé le syndrome de l’enfant calque. Aucun d’eux n’a rencontré la langue des signes avant l’adolescence, autrement que de manière très ponctuelle. Parfois on leur a proposé un ersatz linguistique appelé communication totale. C’est avec eux que nous avons reconstitué le parcours décrit plus haut. Leur histoire, leurs histoires, sont souvent terribles mais très proches. Ils viennent déposer chez nous, tout un « non dit », leur épopée.
Nous assistons parfois à des « coming out » terriblement émouvants, où les larmes coulent comme s’il s’agissait de déverser un trop plein. Ces situations sont les plus simples. Il en va tout autrement pour ceux qui continuent, parfois longtemps, à être ces calques d’entendants, inconscients de leur statut. Ils sont accueillis à l’hôpital par des collègues sourds, des intermédiateurs qui vont symboliquement leur prendre la main pour les aider à passer le pas de cette porte magique, qui sépare les déficients auditifs des Sourds. Pour combler cette distance qu’il y a entre avoir une surdité et être Sourd. Il n’est plus tel qu’on l’a rêvé. Il n’est plus seulement le fantasme d’autres qui le voyaient à leur image dans le miroir. Il l’a traversé, il est devenu lui-même. Ce passage ne se fait pas sans difficultés, certains se blessent sérieusement à cet instant. Certains restent comme bloqués dans l’entrebâillure, dans un équilibre instable qui dure parfois des années.

GLISSEMENT DU CALQUE
Toute leur manière d’être au monde est parfaitement calquée sur celle des entendants, mais elle reste un calque. C’est le glissement du calque sur l’original, qui nous semble parfois à l’origine d’une sorte de disjonction entre la langue scandée et la pensée. Même lorsqu’ils la maîtrisent mal, ils disent parfois mieux leurs symptômes en langue des signes qu’en français. Il n’est pas rare, dans notre unité, de voir des sourds venir exprimer en langue des signes, des plaintes qu’ils disaient autres en français. Parfois même, certains articulent sans voix, un discours différent de celui qui est signé (*). Nos collègues sourds, experts en lecture labiale, sont les premiers à le repérer. Comme s’il y avait une dislocation linguistique. Et cela, en dehors de toute pathologie proprement psychiatrique. Un peu comme si, ce qui était de l’ordre de l’intime, de l’inconscient, ne pouvait trouver un ancrage dans la langue vocalisée. Cette sorte de glissement du calque sur l’original est à l’origine de souffrances informulées et informulables, que notre travail nous amène à essayer d’entendre.
Entre le calque et l’original, il y a cette fluctuation, entre la réalité du langage, telle qu’envisagée par les linguistes, et les étapes du développement langagier décrites par les équipes médico-rééducatives, qui entendent ce qui a toute l’apparence du langage, sans en être l’incarnation. Si je livre aujourd’hui ces quelques réflexions inabouties, c’est dans l’espoir de susciter des réactions, des commentaires, des témoignages. Je viendrai les compléter prochainement par une série de descriptions plus illustratives.

Dr Benoît DRION

(*) « signé » pour « dit en langue des signes ».
publié par Benoit Drion publié dans : bdrion








Lundi 20 Novembre 2006
Petits meurtres en musique (sourds de musique)
Article publié dans "PICTO MAG" n°9 de mai 2005
Petits meurtres en musique


Le 19 mars 2005, un merveilleux reportage diffusé sur France 3, nous a montré comment les sourds d’un institut pour sourds du Nord étaient initiés à la musique. Témoignages bouleversants d’enseignants ou parents, émerveillés de voir ces enfants sourds chanter ou produire de la musique. Il est même question qu’ils enregistrent un disque.

Claviers de pianos adaptés, avec touches lumineuses, vibrations, sensations, c’était formidable. Les enfants n’étaient plus sourds, ils entendaient. Une jeune fille sourde à qui on demande pourquoi elle aime la musique, répond que c’est parce qu’elle entend bien (sic). Miracle ? Une autre qui nous explique que pour elle, la musique ce sont des vibrations, des frissons. Là où nous entendons de la musique, ils voient des lumières, ils ressentent des vibrations. Ils produisent des sons que nous sommes seuls à entendre ; ils ressentent autre chose dans un autre registre et on les juge sur la musique qu’ils produisent. Qu’est-ce qui est partagé, sinon le rêve d’une surdité disparue ?

Une enseignante qui travaille tous les jours avec des sourds, nous explique, avec un air jubilatoire, qu’après le concert de musique, sa propre fille (entendante) d’une dizaine d’années a mis en doute que ces enfants puissent être sourds. Quelle merveilleuse réussite, on ne voit plus qu’ils sont sourds. Et les parents de ces enfants, émus aux larmes par la disparition de la surdité, quel formidable reportage. Seule la présence d’une interprète en LSF, vue subrepticement nous rappelle qu’ils sont sourds. C’est le seul triste morceau qui a échappé aux coupes du montage.

Tous ces enfants sont des oiseaux faits pour voler et on leur apprend à nager. Ils sont à ce point parfaitement dressés, qu’on les prendrait presque pour des poissons. Seulement, à les conditionner de la sorte, ils vont finir par se noyer. Et ces enseignants de rêver peut-être que tous ces petits meurtres en musique finiront par éliminer complètement les sourds ? Comment ces professionnels peuvent-ils à ce point se fourvoyer ? Pourquoi les laisse-t-on ainsi tromper les parents de ces enfants ? Ils pourraient consacrer la même énergie à les ouvrir aux arts visuels. Non ! Ils sont sourds, et on choisit de tout miser sur un mode perceptif qui ne leur permettra jamais de briller. Au lieu de leur ouvrir les yeux, on les pousse dans leurs derniers retranchements auditifs. Dans quel monde vivons nous, qui autorise ainsi légalement ces meurtres en série ?

Dr Benoît DRION



publié par Benoit Drion publié dans : bdrion






Lundi 20 Novembre 2006
La traversée du Miroir (éthique et implant cochléaire)
Article publié dans
Ethique et implant cochléaire Que faut-il réparer? Giot, J. et Meurant, L. (eds) Presses Universitaires de Namur, 2006, 92 p. ISBN 978-2-87037-530-3

La traversée du miroir Ethique et implant cochléaire
Dr Benoît Drion, Praticien Hospitalier, responsable de l’Unité d’accueil et de soins en Langue des Signes du Nord-Pas de Calais
Groupe Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille (http://www.ghicl.fr/patients-usagers/accueil-personnes-sourdes.asp)


Comment faire part de mes doutes sur les questions éthiques que pose l’implantation cochléaire chez les enfants sourds ? Depuis que la question me taraude, comme un indicible sentiment, j’y vois un abus de pouvoir d’une médecine trop organiciste. Un débat au cœur duquel se situe la Langue des Signes.


Signes non comme on copie, mais comme on pilote Henri Michaux



Comme tous mes collègues médecins, j’ai été formé à l’école de la médecine scientifique et de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler l’Evidence Based Medicine. J’ai personnellement la plus extrême réticence à l’égard de toutes les formes de médecines parallèles, celles qu’on qualifie parfois de « patamédecine ». J’ai longtemps pratiqué, avec plaisir, la médecine d’urgence en hôpital. Les services d’urgence sont des lieux, où la fréquentation quotidienne de situations médicales avec péril vital imminent, façonne inévitablement une manière de penser, dominée par des réflexes et des protocoles peu suspects de dérive romanesque. Plus formé à stabiliser la tension artérielle d’un polytraumatisé, qu’à écouter le mal-être de mes concitoyens, ce parcours médical particulier aurait dû logiquement m’amener à penser qu’on pouvait soigner la surdité comme n’importe quelle maladie. Mais ma rencontre, il a près de vingt ans, avec le monde des sourds, m’a apporté un tout autre éclairage que j’essaye de partager. Tout en sachant, le risque pris d’être rapidement catalogué de doux rêveur, de charlatan ou que sais-je, car il n’est aujourd’hui pas politiquement correct d’émettre des doutes sur la « vérité » médicale. Je crois aujourd’hui, très sincèrement que la médecine se fourvoie dans sa manière d’aborder, non pas la surdité des enfants, mais dans sa manière d’aborder les enfants sourds.

RENCONTRE AVEC LES SOURDS
Les sourds que j’évoque ici sont uniquement les sourds pré-linguaux. Au hasard de rencontres et d’amitiés, dès la fin de mes études de médecine, j’ai été amené à rencontrer leur monde. Je me suis vite rendu compte que, pour les sourds, l’accessibilité aux soins de santé était extrêmement problématique. Dans ma pratique d’urgentiste, j’ai effectivement été confronté plusieurs fois à des sourds en situation médicale dramatique. Ce constat n’a fait que s’amplifier, au fur et à mesure que mes yeux s’ouvraient. C’est à la demande pressante des sourds que j’avais commencé à fréquenter, que je me suis mis à apprendre leur langue. Parallèlement à mon métier d’urgentiste, j’ai développé une pratique libérale à Bruxelles, qui m’a permis d’accueillir des sourds et de balbutier avec eux en Langue des Signes. J’ai écrit à cette époque quelques articles dans des journaux médicaux pour tenter d’attirer l’attention de mes collègues. Sans grand succès, les sourds ne représentant qu’à peine un citoyen sur mille, comment un médecin lambda qui n’a dans sa patientèle qu’un seul sourd, peut-il voir qu’il existe un vrai problème de santé publique dans cette population ? J’ai appris à l’époque, par Diederik Zegers de Beyl , qui me demande aujourd’hui de partager mon témoignage, qu’un médecin, Jean Dagron , avait créé un accueil spécifique pour les sourds à l’hôpital Pitié-Salpétrière à Paris. A force de persuasion, il est parvenu à faire reconnaître cette problématique particulière par les autorités sanitaires. De fil en aiguille, quatorze pôles hospitaliers régionaux d’accueil des sourds en Langue des Signes ont pu être créés en France. Aujourd’hui, je suis responsable de celui du Nord-Pas de Calais. Dans le cadre de ce travail, nous recevons notamment un nombre important de ce que j’appellerais les « cabossés de l’oralisme », en souffrance psychique. Des personnes, qui savent qu’elles ont une surdité, mais à qui il nous arrive de devoir apprendre qu’elles sont sourdes.
Les équipes de tous les pôles sont constituées, au minimum, d’un trépied comprenant un médecin qui peut recevoir des patients directement en Langue des Signes, des interprètes français-Langue des Signes, et surtout, des professionnels sourds responsables de l’accueil, de l’accompagnement, de la médiation et de l’animation du travail linguistique. La France est à ma connaissance, le seul pays au monde où de tels dispositifs existent. Aujourd’hui à Lille, après seulement quatre ans d’existence, notre Unité d’accueil en Langue des Signes a reçu plus du tiers de l’ensemble des sourds de la Métropole Lilloise , toutes catégories d’âges confondues. Ceux qui émettaient des doutes quant à l’intérêt d’un tel service doivent aujourd’hui se rendre à l’évidence : oui, il y a des centaines de sourds complètement exclus du système de soins. Ce n’est pas le lieu ici d’en parler, mais je ne peux m’empêcher d’affirmer haut et fort que la situation sanitaire des sourds est vraiment catastrophique et les pôles français ne sont qu’un début de réponse. Faut-il rappeler le désert belge dans ce domaine ?

UN MONDE INVISIBLE
Ce long préambule m’a semblé nécessaire pour asseoir la légitimité de mon propos concernant l’implant cochléaire. Bien qu’imprégné de médecine scientifique, j’ai eu la chance de bénéficier de l’éclairage nécessaire pour voir ce monde du silence. Aujourd’hui, je suis impliqué dans le monde des sourds, à la fois en Belgique et en France et les anecdotes que je raconte ici proviennent d’un côté ou de l’autre de la frontière. Pour tenter de faire part de mon questionnement, j’utiliserais l’image suivante. Nous, « bien-entendants », sommes comme devant un miroir sans tain. Nous pensons les sourds à notre image. Nous pensons les voir dans le miroir, leur monde ne serait pas distinct du nôtre. Lorsque, avec le parcours qui est le mien, on arrive à éclairer un peu derrière ce miroir et que l’on voit alors à travers lui, on y découvre une tout autre réalité. La Langue des Signes est cette lumière qui donne à voir cet ailleurs invisible. Un monde avec sa langue, sa culture, ses codes sociaux, ses frustrations, ses joies, ses rêves. Parmi ces rêves, jamais il n’y a celui d’entendre avec les oreilles. C’est pourtant celui sur lequel, faute d’éclairage, notre médecine focalise aujourd’hui tous ses efforts. Le témoin privilégié que je suis, se doit aujourd’hui de faire tout ce qu’il peut pour faire la lumière.
Il n’est pas possible de parler de l’implantation cochléaire chez les enfants sourds, sans penser à leur surprenante rééducation, qui précède leur éducation et au dépistage précoce de la surdité, étape ultime d’une médecine dévoyée, solution finale à un problème dont la formulation même est biaisée. Propos excessifs me direz-vous ! Ecoutez la suite.

POUR SON BIEN
Lorsqu’il s’agit d’implantation cochléaire, il apparaît aujourd’hui légitime à toute une frange du corps médical, de s’affranchir du moindre raisonnement éthique. L’éthique ne nous apprend-elle pas que la médecine trouve d’abord sa légitimité dans le fait d’« enlever le mal » ? On enlève une tumeur, on enlève une pneumonie en tuant les microbes, on enlève une hypertension artérielle en administrant un médicament, on enlève un déséquilibre biologique lié à une insuffisance rénale en greffant un rein etc. Dans tous ces cas, le mal est identifié par le malade. L’éthique nous enseigne aussi que lorsque la médecine souhaite « apporter le bien », ce choix appartient au malade. Plus encore que lorsqu’on enlève le mal, l’intervention pour le bien des patients nécessite un consentement particulièrement éclairé.
Tout est question de point de vue et ceux de la médecine et des sourds diffèrent radicalement. L’ORL pense enlever un déficit auditif, nous verrons que ce n’est pas possible. Le sourd, pense plutôt qu’on veut lui apporter l’audition, même s’il n’est pas demandeur.
Le débat récent sur les aspects éthiques liés à cette greffe d’une partie de visage, vient parfaitement illustrer les choses. D’éminents professeurs de médecine se voient critiqués par d’aucuns qui mettent en doute le fait que la patiente ait marqué un « consentement éclairé » et qu’on ait suffisamment pesé les implications psychologiques de l’intervention. C’est une patiente à qui on souhaitait effectivement apporter quelque chose pour son bien. Dans ce cas le débat a lieu, les questions sont posées. Lorsqu’il s’agit d’implantation cochléaire d’enfants sourds, les questions ne sont même pas posées, il y a un affranchissement complet du raisonnement éthique, qui confine parfois à la caricature. En voici un exemple.
Il y a quelques mois, une réunion de médecins s’est déroulée dans un hôpital. Les aspects éthiques liés au dépistage précoce de la surdité et à l’implantation cochléaire devaient y être abordés. J’étais évidemment intéressé par le sujet. La dimension éthique du problème consistait pour ces médecins à se demander comment éviter qu’un seul enfant échappe au dépistage précoce et surtout comment faire par la suite, le diagnostic de surdité étant confirmé, pour qu’aucun enfant n’échappe à l’implantation cochléaire. La Ministre de la Santé (Communauté Française de Belgique) qui était présente s’est même répandue dans la presse médicale en parlant de filière de soins entre le dépistage précoce et l’implantation cochléaire.
J’étais abasourdi et j’ai décidé d’écrire à la Ministre pour lui faire part de mes inquiétudes. Sa réponse est un florilège de représentations complètement décalées de la réalité du monde de derrière le miroir. Cette Ministre, comme les autres, est bien entendu conseillée par une armée de scientifiques et « experts en surdité », dont le prestige dissimule un raisonnement scientiste sous-tendu par un projet exclusivement opératoire. Ce qui peut arriver de pire aux sourds en bisbrouille avec la manière dont la médecine les perçoit, c’est qu’un Ministre, lui-même médecin, soit en charge des dossiers qui les concernent. C’est malheureusement ce qui s’est passé en Belgique où c’est une néphrologue qui tient leur destin entre ses mains. L’orthophonie aurait-elle les mêmes effets sur un enfant sourd implanté que les immunosuppresseurs chez un greffé rénal ? L’une se chargeant de faire accepter la greffe par le moi psychique et les autres par le moi biologique ?

FILIERE DE SOINS
Pour qu’un programme de dépistage néonatal systématique puisse être mis en place, comme c’est le cas actuellement dans de nombreux pays (dont la Belgique et la France), l’OMS édicte qu’il doit répondre à un certain nombre de critères. Diverses affections sont ainsi dépistées en néonatal (ex. mucoviscidose, phénylcétonurie,…) dans le respect de ces règles. Il devrait théoriquement en être de même du dépistage néonatal de la surdité, pour lequel, étrangement, une série de critères qui rendent le dépistage admissible d’un point de vue éthique, ne me semblent pas rencontrés. En particulier ce type de dépistage doit être « éthiquement acceptable par les professionnels et la population ». Le problème, c’est que les sourds, dans leur grande majorité, sont farouchement opposés à ce dépistage. Lorsqu’on les interroge, il s’avère que ce n’est pas spécifiquement le dépistage qui les dérange, mais la filière de soins qui en découle et nous ramène à l’implantation cochléaire. Il en va de même d’une série d’autres critères qui ne poseraient pas de problème si le lien automatique – dépistage à diagnostic à implantation cochléaire - n’était pas érigé en filière de soins par les plus hautes autorités de l’Etat et de la médecine. Dans un tel contexte, les critères du dépistage précoce dépassent largement son cadre étroit et doivent se lire comme s’appliquant directement à l’implantation cochléaire. Et là, c’est beaucoup plus problématique. Il n’existe effectivement à ce jour aucune évaluation indépendante de la morbidité et de la mortalité directement liée à l’implantation cochléaire, pas plus que du rapport bénéfice/nuisance direct, à moyen et à long terme.
Et je ne suis pas seul à penser cela, puisque le Groupe Européen d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologies auprès de la Commission Européenne (GEE) a rendu un avis en mars 2005 qui mérité d’être cité : « Les efforts déployés pour promouvoir les implants cochléaires chez les enfants sourds posent des questions éthiques quand à son impact sur le porteur d’implant et sur la communauté des sourds (notamment ceux qui communiquent en Langue des Signes). Ils ignorent le problème d’intégration sociale du porteur d’implant dans cette communauté et ne prêtent pas une attention suffisante aux incidences psychologiques, linguistiques et sociologiques. Avant toute chose, ils promeuvent une vision particulière de la « normalité ». Du point de vue du GEE, la question des implants cochléaires elle-même, l’analyse risques/avantages et le problème d’accès équitable aux soins doivent être encore approfondis (sans oublier la distinction entre implants cochléaires unilatéraux et bilatéraux) ».
Je vous entends d’ici me dire : « Mais pour qu’une implantation cochléaire soit efficace, il faut qu’elle soit faite le plus précocement possible, comment voulez-vous dans ces conditions demander son avis à un enfant ? N’est-il pas légitime dans ce cas de demander son avis à ses parents (sous-entendu : pour son bien) » ?
Que faut-il entendre par implant efficace ? Vous me répondrez : « Un implant qui permette à l’enfant de s’intégrer, un implant qui lui permette d’entendre et de parler ». Je vous rétorquerai : « Qu’appelez-vous intégration » ? Le mot est magique, un sourd bien intégré est un sourd dont on ne voit plus qu’il est sourd me direz-vous ? Je caricature ? A peine !. Hors justement, je voudrais témoigner que ces dizaines de « cabossés de l’oralisme » que je rencontre sont justement ces sourds dont on a dit qu’ils étaient bien intégrés. Que faisons-nous de nos enfants ? Que faisons-nous à nos enfants ?
« Comment voulez-vous demander son avis à un petit enfant sur la pertinence d’une implantation cochléaire ? Réfléchit-on sur le traitement à suivre lorsqu’un enfant présente un cancer du rein » ? Vous vous souvenez : enlever le mal, apporter le bien ? Nous y sommes. On ne peut pas considérer que soigner la surdité c’est enlever la déficience, comment pourrait-on enlever un manque ? Il s’agit en revanche d’apporter l’audition. Et c’est là que la métaphore du miroir permet de mieux comprendre. Si l’on ne voit rien de l’autre côte du miroir, que l’on pense de bonne foi, qu’il s’agit d’un miroir classique, le petit sourd est nécessairement comme nous. Je crois d’ailleurs que la grande majorité des médecins sont de bonne foi, il leur manque seulement un bon éclairage. Lorsqu’on sollicite l’avis des parents d’un enfant sourd, sans leur allumer la lumière, ils répètent logiquement ce qu’ils entendent de ce côte, pour le bien de leur enfant. Si la lumière s’allume de l’autre côté, on comprend que le petit sourd aura une vie différente de la nôtre, ni plus gaie, ni plus triste, simplement en partie différente. On comprend alors très vite qu’il convient aussi d’écouter ceux qui savent comment on vit de ce côté-là, c’est-à-dire écouter les sourds adultes, parler de leur différence, de leur autre manière d’être au monde.

LE BONHEUR EN DECIBELS
Leur point de vue est radicalement différent, ce qui fait d’ailleurs le malheur des ORL qui se voient refuser presque systématiquement l’implantation chez les enfants sourds, nés de parents sourds. Soit dit en passant, n’y aurait-il pas là quelque chose qui devrait nous mettre la puce à l’oreille ? Ces parents sourds d’enfants sourds, qui refusent qu’on « soigne » leur enfant, sont-ils vraiment tous de grands pervers ? Je n’insinue pas qu’il faudrait laisser les adultes sourds prendre des décisions pour des enfants sourds de parents entendants. Je voudrais seulement indiquer qu’il conviendrait que la lampe soit systématiquement allumée de l’autre côté du miroir pour que ces parents voient le devenir de leur enfant, qu’ils voient que le bonheur ne se mesure pas en décibels. Il faudrait que de tels parents soient encouragés systématiquement à rencontrer le plus grand nombre de sourds adultes, qu’ils aient les moyens d’apprendre la Langue des Signes, cet éclairage qui leur permettra de comprendre qui sont les sourds. Au lieu de cela, tout est fait pour les priver de cette rencontre.
Contrairement aux recommandations du Comité Consultatif National d’Ethique (France), qui au vu de la grande incertitude en la matière, recommandait en 1994, que la Langue des Signes soit proposée systématiquement aux enfants sourds implantés, il n’en fut jamais rien. On peut d’ailleurs se demander à quoi servent ces avis, si ceux dont ils sont censés guider la pratique, n’en tiennent aucun compte. La Langue des Signes a même été systématiquement interdite par pratiquement tous les centres d’implantation. Dans un tel contexte, les parents qui l’ont proposée (parfois en cachette) à leur enfant, sont de véritables héros. Certes, cet avis a maintenant dix ans et formulait ces recommandations tant que l’incertitude sur le développement cognitif d’enfants implantés n’avait pas trouvé de réponse. J’affirme qu’aujourd’hui encore, il n’existe pas de recul suffisant sur le devenir de ces enfants à moyen et à long terme. Il est incontestable que leurs capacités de vocalisation sont améliorées. Mais qu’en est-il de leur parole, de leur capacité à symboliser, de leur subjectivité d’humain ? Constitueront-ils demain, de nouvelles cohortes de « cabossés de l’oralisme » ? De quel côte du miroir se situent-ils ? Savent-ils même que ce miroir est sans tain ?
Lorsqu’on s’émeut du fait que la Langue des Signes soit si peu présente dans les Centres qui s’occupent de sourds, on s’entend inévitablement répondre que c’est faute de moyens, que si on avait les moyens… Qui attribue les subventions à ces Centres ? En début de chaîne, le financeur est le Ministère de la Santé. Qui conseille ce Ministère ? Les responsables des Centres préalablement cités, c’est d’ailleurs ce que les Ministres interpellés répondent. Ce n’est pas moi, c’est l’autre, cercle vicieux classique. Et pourtant, à peu de choses près, le coût d’un seul implant cochléaire (remboursé par la sécurité sociale) correspond au coût annuel d’un temps plein de professeur de Langue des Signes. Ce n’est évidemment pas l’argent qui manque ! Il est bien plus confortable de se laisser porter par le flot d’une pensée unique et simpliste, qui ramène l’humain et toute sa subjectivité à une histoire de sons. L’honnêteté nous oblige à ajouter que la plupart des Centres ont leur « déficient auditif » de service. Le problème, c’est que ces sourds qui pourraient apporter leurs compétences propres, sont là réduits à l’état de déficient auditif et qu’on ne tient en général aucun compte de leur avis et de leur connaissance intime de la surdité. Le turn-over de ces sourds dans les Centres est assez surprenant. Ils ne résistent en général pas plus de deux ans. C’est assez symptomatique du malaise ressenti.

LE PLUS BEAU CADEAU
Il m’est arrivé de recevoir en consultation, il y a quelques mois, une maman entendante d’enfant sourd. La date de l’implantation cochléaire de son fils était déjà fixée. Elle s’était renseignée sur les sourds et se posait la question de l’intérêt d’apprendre la Langue des Signes. Etant entendu qu’on lui avait dit « surtout pas » dans le centre d’implantation. L’accueil de nos consultations est fait par du personnel sourd en Langue des Signes. Lorsqu’elle m’a posé la question, j’ai ouvert la porte qui sépare mon bureau du secrétariat et j’ai demandé à ma collègue sourde de venir et de répondre à la question. Elle m’a regardé et elle m’a demandé : « Je peux dire ce que je pense ? ». J’ai été surpris par la question, je suis pourtant assez peu autoritaire et surtout pas du genre à ne pas laisser les gens dire ce qu’ils pensent. J’ai répondu : « Evidemment ! ». Et ma collègue s’est, comme je m’y attendais un peu, lancée dans un vibrant plaidoyer en faveur de la Langue des Signes. La maman a eu l’air rassurée, je pense que j’ai contribué à éclairer de l’autre côté du miroir. Avant de se quitter, elle m’a dit : « Mais vous, docteur, qu’est-ce que vous en pensez ? ». J’avais presque oublié que c’était moi qu’elle était venue voir. Elle devait encore aller payer sa consultation, il fallait bien que je dise quelque chose. Je lui ai dit : « Le plus beau cadeau que vous pouvez faire à votre enfant, c’est de vous mettre à apprendre la Langue des Signes. Je ne connais aucun sourd (et j’en connais beaucoup !), qui ait jamais reproché à ses parents d’apprendre la Langue des Signes, en revanche je ne compte plus ceux, qui passé l’adolescence, fassent le reproche insistant à leurs parents de ne pas l’avoir apprise ». Une autre fois, il m’est arrivé de recevoir en consultation, des parents et leur fils sourd. Quand ils m’ont vu discuter avec leur rejeton dans cette langue interdite (qu’eux ne pratiquaient pas, mais qu’il avait quand même apprise grâce à quelques contacts avec des sourds), ils se sont mis à pleurer tous les deux. Ils avaient traversé le miroir un peu rapidement ! Je leur ai dit un jour qu’ils devraient témoigner, mais ils m’ont fait comprendre qu’ils ressentaient une telle culpabilité, une telle honte de s’être fait manipuler, qu’ils n’y arriveraient pas, pas tout de suite.
Après la consultation avec la première maman, j’ai demandé à ma collègue, pourquoi elle m’avait posé la question de savoir si elle pouvait dire ce qu’elle pensait. Elle m’a expliqué que son propos n’était pas vraiment le discours habituel de la médecine et qu’elle ne savait pas si elle pouvait dire cela à l’hôpital. J’ai eu l’impression que le miroir avait changé de sens. Quelle est la force castratrice de cette médecine, qui peut pousser ainsi certains à l’autocensure, dans un lieu pourtant ouvert à la Langue des Signes ? Cela me fait penser aussi, à ces psychologues ou orthophonistes, embrigadés dans des équipes où la pensée unique est la règle, et qui sous couvert d’anonymat, nous expriment parfois leurs doutes et leurs inquiétudes.

UNE PROTHESE OSBOLETE
De toute époque, les prothèses auditives ont été présentées comme le sommet de la perfection. Avec le recul, nous savons ce qu’il en est maintenant des appareils auditifs d’il y a vingt ou trente ans. Nous savons aussi ce qu’il en est des premiers implants cochléaires, tellement « efficaces » qu’un certain nombre de sourds voudraient se les faire enlever. Ils savent la réticence des ORL à ôter ce qu’ils ont mis en place. Aucune marche arrière n’est possible. Les enfants sourds d’aujourd’hui, qui seront les sourds adultes de demain, lorsqu’ils sont privés de Langue des Signes, se seront construits au travers d’un implant aujourd’hui à la pointe et qui dans dix ans sera obsolète. Et aux parents des enfants sourds d’alors, tiendra-t-on le même discours qu’à ceux d’aujourd’hui ? L’implant de demain sera meilleur. Nous savons que cette quête asymptotique de la perfection n’aura jamais de fin. Parce que, de fin en cette matière, il ne pourrait y avoir, que si le corps que nous avons, venait se confondre avec le corps que nous sommes. Seul le langage nous sépare des autres animaux. Ce sont nos capacités linguistiques qui font de nous des humains. Qu’advient-il lorsque l’acquisition de sa propre humanité passe exclusivement par une prothèse qui demain sera obsolète ?
La médecine s’apparente parfois à une entreprise de normalisation. Et la société, par sa voix (les médias), abonde dans ce sens, en véhiculant les clichés les plus éculés. Plus encore en matière de surdité que dans d’autres, la médecine est aujourd’hui totalement sourde aux apports des sciences humaines, qui mènent une réflexion qui devrait pourtant l’éclairer en matière de surdité. Qu’il s’agisse de philosophes, de linguistes, de psychologues, d’ethnologues, de sociologues, de psychanalystes, de quelques médecins aussi, ou d’autres, le concert de ceux qui s’inquiètent de la dérive scientiste de la prise en charge précoce de la surdité, n’arrive pas aux oreilles d’une médecine qui ne veut pas entendre. Notre médecine, ma médecine, estime aujourd’hui légitime de manipuler chirurgicalement le mode perceptif d’autrui pour son bien, et cela ne poserait pas de questions éthiques ? La seule question qui vaudrait la peine d’être débattue serait de savoir comment faire pour qu’aucun enfant n’y échappe ? Le terme est peut-être à la mode aujourd’hui, mais faudrait-il parler de lepénisation des esprits ? Car l’entreprise totalitaire qui vise à éradiquer les sourds est en bon chemin. Accrochez-vous bien, en voici une illustration.

EUGENISME EN MARCHE
Dans le cadre de mon travail à Lille, j’ai été amené à recevoir plusieurs couples de sourds pour prise en charge de stérilité. Après un bilan de routine tel que je puis le faire, je les ai adressés à l’un ou l’autre service spécialisé. Nous savons aujourd’hui que la plupart des surdités ont une origine génétique, et donc, lorsqu’un couple de sourds enfante, il a statistiquement plus du chances d’avoir un enfant sourd qu’un couple d’entendants. Ce qui perturbe manifestement les équipes qui s’occupent de stérilité, mais pas du tout les sourds concernés, pour qui, généralement, il importe peu de savoir si l’enfant sera sourd ou entendant (avec parfois même une préférence pour qu’il soit sourd ; là aussi, cela ne devrait-il pas nous interpeller ?). Sans jamais leur refuser clairement la prise en charge de leur stérilité, on s’arrange, en multipliant les avis divers (notamment un bilan ORL complet, quel est le rapport avec la demande ?), les évaluations génétiques (dont ils ne sont nullement demandeurs, mais on leur dit que s’ils veulent un enfant, il faut savoir !) etc. A tel point, qu’avant même de prendre en charge leur stérilité comme on l’aurait fait pour un couple d’entendants, on les fait poiroter pendant plusieurs années (avec, en plus, un coût invraisemblable pour eux et la sécurité sociale). Des années, qui pour certains de ces couples, les amènent à la limite biologique de fécondité d’une femme. Et, je finis par recevoir un courrier de gynécologue, clairement soulagé que le problème ne se pose plus. Rien qu’à décrire cette situation maintenant par écrit, j’en ai des frissons. Et cette attitude n’est pas le fait d’un seul médecin, elle s’est reproduite avec plusieurs. Bien sûr, on me répliquera qu’il n’était nullement question d’eugénisme ! C’est moi qui n’ai pas dû comprendre. Et je ne parle pas ici de diagnostic anténatal, voire préconceptionnel, car là aussi j’aurais quelques histoires croustillantes à raconter. Les progrès fulgurants de la génétique nous réservent des débats qui relègueront celui sur l’implant au rayon des vieilleries. Le pire c’est que ceux qui ont ces comportements sont persuadés d’agir pour le bien. Dans l’histoire, à d’autres époques, certains qui agissaient pour une certaine idée du bien, ont parfois erré, avant de dire plus tard : « Si j’avais su… ».

PETITS MEURTES EN MUSIQUE
La capacité d’un enfant à se conformer à ce qui est attendu de lui est étonnante. Dans certains Centres, on va même jusqu’à faire chanter des enfants sourds, on en fait des musiciens. Formidables animaux de cirque, on ne voit plus qu’ils sont sourds, l’entreprise de déni est totale, mais tout le monde est heureux. Jusqu’au jour où ces oiseaux, qu’on a pris pour des poissons, finissent par se noyer. Certains de ces « cabossés de l’oralisme », victimes de ces petits meurtres en musique, viennent alors déposer chez nous, leur désarrois. Car on ne sort pas indemne d’une ou deux décennies à singer les entendants.
Et si les signes des sourds étaient à l’image de ceux d’Henri Michaux, représentant des mouvements, qui, dans « Face aux verrous », écrivait :
Signes des dix mille façons d’être en équilibre dans ce monde mouvant qui se rit de l’adaptation
Signes surtout pour retirer son être du piège de la langue des autres, faite pour gagner contre vous, comme une roulette bien réglée qui ne vous laisse que quelques coups heureux et la ruine de la défaite pour finir (…)
Signes non pour retour en arrière, mais pour mieux « passer la ligne » à chaque instant
Signes non comme on copie, mais comme on pilote (…)
Signes, non pour être complet, non pour conjuguer, mais pour être fidèle à son « transitoire »
Signes pour retrouver le don des langues, la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ?
(…)
Plus loin, il écrit encore :
Nous agissons sur leurs enfants avant qu’ils naissent, quand fœtus, ils gisent encore sans bouger dans le ventre de leur mère alourdie.
Mais nous bougeons. De loin, nous dirigeons au clavier. Ceux que nous « travaillons » cet été, naîtront sous le signe du têtard. Les organes de l’assimilation basse seront bien développés et ils penseront en volumes.
(…)
Et ce n’est qu’une des mélodies de notre clavier, lequel permet des milliers et des milliers de combinaisons et parmi elles combien de néfastes, combien d’idiotisantes à la longue, combien de mortelles.

publié par Benoit Drion publié dans : bdrion





Dimanche 22 Octobre 2006
Ethique et Implant Cochléaire
Entretien publié dans le Journal du Médecin (Belgique) 14/11/2006

La Maison des Sourds organise une semaine de festivités à l’occasion des 110 ans du Cercle de l’Abbé de l’Epée. Responsable d’un pôle hospitalier d’accueil et de soins pour les sourds à Lille, le Dr Benoît Drion a été invité à intervenir en tant qu’orateur lors de la journée d’ouverture. Il s’exprimera sur les thèmes de l’implantation cochléaire, du diagnostic anténatal de surdité et de l’eugénisme privé de sélection.

Le Journal du Médecin : Considérez-vous que toutes ces pratiques que vous allez évoquer compromettent l’avenir de la Langue des Signes et des Sourds ? Si oui, pourquoi ?
Dr Benoît Drion : Depuis plus d’un siècle, deux logiques s’opposent en ce qui concerne les modalités (ré)éducatives à proposer aux enfants sourds. D’un côté, une vison médicale, qui les considère comme des déficients auditifs à soigner. Et de l’autre, bon nombre des sourds qui se disent appartenir à une minorité culturelle et linguistique. Leur communauté enrichit effectivement l’humanité des langues signées. C’est le génie adaptatif des sourds qui les a fait émerger, partout où ils se rencontraient pour faire ce que font tous les humains : parler, discuter entre eux. Depuis, les linguistes nous ont montré que les cerveaux de ces êtres, dits déficients, étaient à l’origine de véritables langues !
Etre sourd, c’est une autre manière d’être au monde, ni plus triste, ni plus gaie que celle d’entendant, simplement différente. Mon parcours m’a fait acquérir la conviction que notre médecine qui focalise exclusivement sur leur déficience, en leur déniant le droit d’être sourds, fait de bon nombre d’entre eux de vrais malades. C’est pourquoi, aujourd’hui, les « avancées médicales » que vous citez les inquiètent au plus haut point. Ils pensent qu’on en veut à la vie de leur communauté.

L’avis des sourds est-il pris en compte quand on débat de ces sujets là ? Y a-t-il réellement débat ?


Non et c’est là tout le problème. La parole des sourds adultes, qui ne fréquentent plus les cabinets d’ORL depuis longtemps et qui savent à quel point la surdité fonde leur identité, n’arrive pas aux oreilles des médecins. Les « experts en surdité » appelés sont les chirurgiens de l’oreille ! Comme auparavant, lorsqu’elle était considérée comme une maladie, les « experts en homosexualité » étaient les neuropsychiatres ! Les logiques médicale et culturelle que j’évoquais, évoluent parallèlement, sans se rencontrer. Ce qui conduit les promoteurs de la première à utiliser tous les moyens, pour éliminer ceux qui défendent la seconde.
Il n’est à ma connaissance pas d’autre exemple d’une communauté humaine à ce point en danger du fait des soins qu’on veut lui apporter. Il est d’une extrême violence pour les sourds de s’entendre dire qu’on voudrait empêcher la venue au monde d’enfants comme eux. Souvenons-nous aussi que dans un passé pas si lointain, les sourds ont subi des persécutions semblables aux homosexuels, exportés dans des camps et stérilisés.

Que pensez-vous du dépistage néonatal de la surdité proposé en Communauté Française depuis 2005 ? Ne permet-il pas d’éclairer les cliniciens et les familles quant à l’opportunité de poser un implant cochléaire ?
L’OMS édicte qu’un dépistage néonatal n’est admissible que s’il respecte les critères dits de Wilson et Jungner. Hors, selon la logique dans laquelle on se situe, jusqu’à sept sur dix de ces critères ne me semblent pas respectés en ce qui concerne la surdité. Le premier d’entre eux est que l’affection visée doit être un problème majeur de santé publique. Ce que j’ai évoqué avant rend évidemment cela très relatif.

Le dépistage doit être efficace en terme de sensibilité et de spécificité. Hors, on a rarement vu un test de dépistage aussi peu spécifique, puisque dans les modalités envisagées, il donne près de neuf faux positifs sur dix ! Avec des répercussions parfois catastrophiques en terme psychique pour des parents à qui on annonce ce résultat aux premiers instants de la vie de leur enfant et qui devront attendre plusieurs jours, parfois plusieurs semaines, pour qu’une confirmation diagnostique soit apportée.

Autre critère encore, il faut qu’un traitement existe… Pour les chirurgiens, la cause est entendue, le traitement, c’est l’implant cochléaire. C’est ce que la Ministre Fonck décrit comme la « filière de soins ». Hors, les problèmes éthiques que pose cette pratique maintenant systématique, sont loin d’être résolus et de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui, qui appartiennent à des horizons très différents pour crier « casse cou ».
Un autre critère stipule que le dépistage doit nécessairement être accepté par la population à dépister, ce qui n’est absolument pas le cas, puisque la plupart des sourds s’opposent à cette « filière de soins ». Les conditions dans lesquelles ce dépistage est organisé, me semblent hautement discutables. Plus encore, c’est la filière de soins qui mène irrémédiablement à l’implant cochléaire, qui est inquiétante. Le Groupe Européen d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologie formule d’ailleurs de sérieuses réserves au sujet des implants cochléaires
Avis du Groupe Européen d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologies auprès de la Commission Européenne de mars 2005 me semble intéressant. « Un exemple particulier, qui remet en cause l’opinion selon laquelle il existe une norme générale d’évaluation des capacités fonctionnelles de l’être humain, est celui des implants cochléaires chez les enfants sourds. Les efforts déployés pour promouvoir cette technologie posent des questions éthiques quant à son impact sur le porteur de l’implant et sur la communauté des sourds (notamment ceux qui communiquent par langue des signes). Ils ignorent le problème de l’intégration sociale du porteur de l’implant dans cette communauté et ne prêtent pas une attention suffisante aux incidences psychologiques, linguistiques et sociologiques. Avant toute chose, il promeuvent une vision particulière de la « normalité ». »

Un livre fait le point sur ces problèmes éthiques :
http://www.passiondulivre.com/livre-29831-ethique-et-implant-cochleaire-que-faut-il-reparer.htm

Et le dépistage prénatal ou préimplantatoire, qu’en pensez-vous ?
Ce qu’il est convenu d’appeler l’ « eugénisme privé de sélection », m’apparaît comme l’étape ultime qui s’inscrit dans la même logique. Les sourds n’ont plus le droit d’exister. Lorsque nous nous adressons à eux, dorénavant, faudra-t-il leur dire : « aujourd’hui, il serait légitime de vous empêcher de naître » ? Est-ce vers cela qu’on tend, lorsque dans son avis n°33, le Comité Consultatif de Bioéthique écrit que « le dépistage prénatal ou préimplantatoire est recevable en principe moyennant l’application de certaines normes ayant trait à la gravité de la maladie (ou anomalie), au consentement éclairé des parents et à l’encadrement adéquat en matière de conseil et de suivi » ? Comme je l’ai dit auparavant, la surdité semble bien pour la médecine une maladie grave, sinon on ne pourrait pas autoriser son dépistage néonatal. On peut émettre des doutes sur l’objectivité de l’éclairage apporté à des parents, lorsque la seule issue proposée consiste en l’implantation d’une électrode dans la cochlée. L’étape ultérieure sera-t-elle d’autoriser l’élimination d’embryons porteurs d’un des gênes de la surdité ? Le Comité précise que « la réflexion éthique que posent ces techniques sera développée dans un avis distinct ». Puisse-t-il entendre les sourds !


La conférence dans laquelle vous intervenez s’intitule « le futur des sourds a-t-il un avenir ? ». Que pouvez-vous répondre à cette question ?
Il est de notre rôle à nous médecins sensibilisés de tenter d’informer du mieux que nous le pouvons nos collègues, simplement sur l’existence de ce groupe humain. Malgré toutes les craintes qui s’expriment, je suis persuadé que leur communauté continuera d’exister. Car les sourds sont à l’origine d’une des plus fabuleuses création du génie humain : les langues des signes ! La médecine ne peut rien contre cette force irrépressible qui pousse les humains à entrer en relation avec leurs semblables et à tisser le lien social. Et la langue des signes est celle du lien social. C’est vers elle, que passé l’adolescence, le plupart des sourds se tournent. Pour terminer ce propos de manière caricaturale, à ceux qui disent « dans notre société, il est plus facile d’être entendant que d’être sourd », je répondrais « dans notre société, il est plus facile d’être blanc que d’être noir ». Est-ce pour cela qu’il faut éliminer tous les noirs ?

Propos recueillis par Luc Ruidant







        Selon les témoignages




Témoignage de Lucienne Souka, maman d’un adolescent sourd :

« ...Ce dépistage précoce permet de maintenir l’enfant dans un système scolaire traditionnel, en évitant la création d’écoles spéciales pour malentendants. Il lui promet un avenir d’intégration dans la société, avec un développement intellectuel normal et une possibilité d’être socialement actif. Le budget de l’INAMI s’en trouverait allégé. »...
Ceci est une phrase de Catherine Fonck, extraite d'une de ses réponses lors d'un débat à la communauté.
Je remercie encore la personne qui m'a fait parvenir ce texte.
C'est un retour à la case départ : la fameuse intégration si désintégrante, dont tant de sourds ont souffert.
C'est aussi sans doute le développement des centres oralistes, et Dieu sait, dans tout cela ce que deviendra la langue des signes nouvellement reconnue ?
Quel retour en arrière si cela se passe.
Ce n’est ici qu’un scénario catastrophe, pas encore une réalité.
Mais pour que cela ne le devienne pas, il faudrait que la grande masse des sourds anonymes se mobilise pour faire connaître leur opinion, et tant pis si les leaders de Bruxelles ne suivent pas : après tout ce n’est ni eux, ni leurs enfants qui paieront les pots cassés.
Les parents entendants doivent aussi s’en mêler.
J’écrirai à la ministre pour lui faire savoir à quel point je suis déçue, en tant que maman d’un adolescent sourd pour lequel cette éducation s’est révélée, comme pour tant d’autres, un désastre.
Il est plus que temps que l’on abandonne enfin les basses considérations budgétaires, pour offrir à nos enfants une éducation qui fera d’eux des adultes autonomes, indépendants, bien dans leur peau, donc capables de faire sereinement leur chemin dans la vie, et pas seulement les plus intelligents et/ou les mieux entourés.
Une question angoissante : MAIS POURQUOI DONC LES ASSOCIATIONS DE SOURDS RESTENT-ELLES SI SILENCIEUSES ?





Intervention de Nicolas Rettmann, sourd profond de deuxième degré :


Voici une liste énumérée des causes qui, d’après mon vécu, pourraient amener à cette disparition :

* Dépistage : Ce procédé a existé et se perpétuera. Certes, il faut savoir que l’usage en France diffère de la Belgique (mais cela ne risque pas de tarder chez nous) où un suivi quasi systématique est de rigueur avec à la pelle : l’implantation offerte à l’enfant, où la décision incombe aux parents.
La génération future sera composée de personnes implantées. D’ailleurs l’implant et l’oral ira de pair dans le suivi de l’enfant.

* Eugénisme : Ceci n’est pas neuf... avec comme résultat actuel : la prévention génétique (détection de la connexine 26). En quelque sorte de la stérilisation préventive... toutefois le dernier mot appartiendra aux parents d’avoir un enfant.
En outre, rien n’empêchera encore actuellement les professionnels que certaines personnes deviennent malentendantes ou sourdes... !

* Intégration : L’enfant est invité à réussir sa scolarité. Ses efforts devraient se focaliser dans ses études au détriment des loisirs et contacts avec d’autres sourds ou malentendants. Sa famille est généralement plutôt réticente aux activités proposées aux sourds et malentendants. L’enfant pourra toujours connaître la communauté mais tardivement.

* Oralisme : Au vu de l’intégration, le sourd acquiert un langage oral qu’il entretiendra avec quelques personnes « bienveillantes ». Cela lui semblera ainsi que pour son entourage suffisant et se confortera à un minimum de contact voire superficiel. Il tiendra quotidiennement un rôle accessoire dans la société, à l’exemple d’un film noir et blanc où les rôles de domestique, serveur, etc. étaient attribués aux sourds. La langue des signes lui sera-t-elle également apprise ?

* Rôle secondaire : Plus tard, la personne disposant pourtant d’un très bon bagage oral et de français écrit a du mal à devenir un acteur sur le terrain dans la Communauté. Ex : gérer une activité de groupe, donner une conférence, etc. Au contraire, c’est souvent une personne issue d’une école pour sourds qui, malgré les limites de ses connaissances, aura beaucoup plus d’aisance et donc d’autonomie dans une organisation. Il a été habitué à vivre dans une Communauté. Comme Bernard le Maire me l’a apprit, nous avons besoin de LEADERS (= meneurs) de tout âge.

* Education : Certains parents sourds, entendant et sourd, etc. recourent uniquement au langage parlé avec leurs enfants entendants... Bien que ces parents connaissent la langue des signes... Ils la délaissent au profit de l’oral. Nous risquons d’avoir moins de chance de trouver des interprètes dans cette nouvelle génération.

* Participation : Au vu de l’éventail des possibilités offertes (consommation tout azimut, TV, voiture, etc.), la participation est moindre aux activités culturelles et sportives, activités surtout propices aux rencontres et donc à l’essor de la langue des signes.

* Désinformation : Beaucoup de personnes, par manque d’information, rejoignent les sectes dans l’espoir d’un meilleur encadrement. Pouvons-nous dire que ces personnes font toujours partie d’une communauté au sein de la société ?

* Incorporation : Il existe un intérêt de certaines associations ou fédérations pour handicapés à inclure les structures existantes de chez nous dans leur organisme. Ceci a pour effet une modification progressive au sein de leur organisation interne avec comme risque majeur : les sourds et malentendants seront voués à une fonction réduite. Cas actuel : Ligue Handisport Francophone (regroupant les aveugles, moteurs et cardiaques) souhaitant la dissolution de la Ligue Sportive Francophone des Sourds, unique fédération sportive pour sourds.

* Relève : La transmission de la culture de personnes sourdes et/ou malentendantes se fait-elle réellement ? La délégation de responsabilités laisse encore à désirer chez nous. La nouvelle génération sera-t-elle prête à assumer en cas d’urgence...

Voyons à présent l’autre facette de la médaille... de manière plus positive donc !

Malgré le Congrès de Milan, l’évolution technologique, etc... les associations ont réussi à se maintenir (Foyer de Liège existant depuis 1864 – appelé dorénavant Sur’Cité) et d’autres ont vu le jour depuis début de notre siècle précédent... avec point de mire : la création des fédérations nationales telles que la F.F.S.B. et ses services ainsi que des fédérations internationales telles que l’I.D.C. (dénommée auparavant C.I.S.S.), fédération sportive co-fondée par un belge (Antoine Dresse) et par un français (Eugène Ruben-Alcais).
Ces structures actuelles ont permis et permettent, malgré l’engouement médical vis-à-vis de la surdité, d’assurer l’existence de cette Communauté.
C’est grâce à ces structures que nous trouverons toujours une poignée de LEADERS qui défendront la Communauté, la langue des signes et sa culture !
Que notre langue soit respectée et nous serons en mesure de nous ouvrir à toutes les langues.






Intervention de Bernard le Maire, sourd profond, époux d'une sourde, père de deux filles sourdes, petit-fils des sourds, arrière-petit-fils des sourds, petit-neveu des sourds... :

le monde des sourds risquerait de disparaître à cause des manipulations génétiques du futur et des progrès des implantations cochléaires :
c'est un danger pour nous tous qui devrons réagir vite et nous opposer aux décisions néfastes des médecins ORL : ils risqueraient de faire peut-être voter une nouvelle loi : obligation d'implanter tous les nouveaux-nés sourds à l'avenir ...
Pour moi, ce sont les parents qui devraient décider de faire implanter leurs bébés sourds ou non (malheureusement, ces parents sont fortement influencés par les médecins ORL) et ce n'est pas le rôle des médecins de décider tout cela !!
Les sourds NE SONT PAS DES MALADES mais des personnes autonomes et épanouies appartenant à une minorité culturelle possédant une très belle langue : notre LANGUE DES SIGNES !!!

Dr Drion a donné un exposé bien frappant sur l'implant cochléaire vendredi dernier :

Voir son blog : [bdrion.over-blog.net] : il va y ajouter encore quelques textes plus tard ...






Témoignage de Candice, maman d'un enfant, sourd profond :

Laissons les bébés tranquilles au tout début de leur vie et laissons les séduire tranquillement leur entourage.
On ne naît qu'une fois alors pourquoi gâcher la fête avec des tests qui, de surcroît manquent de fiabilité.
L'enjeu de la plasticité neuronale ne doit pas justifier la généralisation d'un accueil aussi déshumanisé des générations futures.



Avant 4 à 6 mois l'échange entre parents et bébé est très charnel.
On le porte on le touche et on le regarde, C'est comme un apprivoisement.
On n'est pas sur de soi, de se comporter de manière adéquate et puis il y a le bouleversement hormonal propice au baby blues.
Il faut bien 3 mois pour commencer à se sentir à l'aise.
Tout ceci pour expliquer qu'on peut bien attendre que tout soit mis en place avant d'assener le coup de la surdité ; bien sur que l'idéal serait de débuter le plus rapidement une communication adaptée.
Je ne suis pas sure que le diagnostic aussi précoce avec évocation systématique des possibilités réparatrices et l'urgence qu'on y associe conduise autant de parents à apprendre la LSF.
A ce stade l'attachement se joue et même si on peut le plus souvent rattraper le coup est ce que le jeu en vaut bien la chandelle?
Pour avoir vécu la naissance et l'annonce de la surdité je pense que non mais cet engagement est très personnel.






Témoignage d’Arnaud, sourd profond, papa d’un enfant entendant :

Enfin, je trouve troublant qu'on ne parle pas toujours des conséquences psychologiques d'un tel dépistage trop précoce sur les parents.

Soyons clairs: Je suis d'accord avec le principe d'un dépistage néonatal de la surdité mais pas du tout avec le délai d'exécution de ce dépistage ( 3 à 5 jours ).
Je prône clairement un dépistage de la surdité entre l'âge de 3 à 6 mois. Ce long délai est nécessaire pour laisser les parents "s'approprier" de leur bébé.

ça s'appelle un phénomène d'attachement entre parents et bébé. On peut parler aussi de l'image narcissique que le bébé renvoie aux parents.
Comme la surdité n'est pas une maladie grave, ni mortelle, je ne vois pas du tout la nécessité de bouleverser tout de suite les parents et de les plonger dans l'angoisse injustifiée car la naissance devrait être un moment de bonheur à préserver à tout prix!!!!

On n'a pas pu le connaître pendant les 3 premières semaines après la naissance de mon fils car il a été placé en couveuse pour problèmes de santé.
ça a été psychologiquement dur pour mon épouse pendant quelques mois.

(...)

Il y a bien une ou deux choses que je déplore:

- le dépistage précoce dès les premiers jours.....
Je ne comprends pas comment la FFSB a laissé passer cette absurdité, sans aucune précaution, par ex, de demander un complèment d'enquête psychologique sur les consèquences de la révélation de la surdité du bébé aux parents!

En effet, ce dépistage précoce comporte quelques risques dangereux :
Le bébé, sourd ou non, pourrait être ne pas désiré par le père et/ou la mère et sa surdité risque de devenir un facteur supplèmentaire de rejet et de situations dramatiques comme la séparation, le baby blues, etc....

Je suis étonné du silence des professionnels de l'enfance sur ces risques!

Pourquoi ne pas faire ce dépistage entre 2 et 5 mois ??
Les parents et même les bébés sourds ne perdent pas grand chose de ces premiers mois par rapport aux 20 ans d'éducation!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Je suis choqué et même mécontent qu'on ne tienne pas de ces conséquences et j'estime que le bébé sourd serait le grand perdant dans ce psycho-drame!






Intervention de Bernard le Maire, sourd profond, époux d'une sourde, père de deux filles sourdes, petit-fils des sourds, arrière-petit-fils des sourds, petit-neveu des sourds... :

La nouvelle loi du ministre Fonck rend obligatoire la dépistage de surdité des nouveaux-nés de trois jours :

Cela nous alarme pour plusieurs raisons :

1. Aucune étude n’a prouvé la différence des conséquences entre le dépistage de surdité chez les bébés de trois jours et celui des bébés de trois mois.

2. Un nombre important des dépistés sourds sont en réalité des entendants : ce sont des faux positifs.
Cela provoque des inquiétudes terribles et inutiles des parents et aussi des problèmes d’attachement parents-enfants

3. Le dépistage de surdité obligatoire pour les nouveaux-nés de trois jours veut dire que la surdité est considérée comme une maladie aussi grave que cinq maladies telles que phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, hyperplasie congénitale des surrénales, drépanocytose et mucoviscidose dont le dépistage est aussi obligatoire.
NOUS, LES SOURDS, NE SOMMES PAS DES MALADES !!
Nous ne formons que la minorité socio-linguistique et culturelle dans le monde des entendants avec la langue des signes comme la nôtre …
Cela revient au Docteur Itard (1774-1838), premier médecin O.R.L. qui nous considéraient comme des malades contrairement à l’abbé de l’Epée
Donc, la surdité n’est jamais un problème majeur de santé publique au même titre que les affections précitées.

4. Ce dépistage obligatoire entraîne les risques de la « filière de soins » entièrement sous contrôle médical.
Le 14 février 2005, Madame le Ministre déclarait effectivement que « le but est d’organiser l’ensemble de la filière de soins, du dépistage à la prise en charge optimale des enfants dépistés positifs, y compris la prise en charge dans un centre de revalidation après implantation ».
Vous voyez clairement le mot « implantation » donc presque tous les bébés dépistés positifs seraient « automatiquement » implantés pour deux raisons :

a) Les parents de ces bébés sont malheureusement très mal informés au sujet de notre vie, notre culture et l’importance primordiale de notre langue des signes et suivraient naturellement les conseils néfastes des médecins omniprésents durant les premiers mois des nouveaux-nés.

b) La presque-gratuité des implantations cochléaires et le remboursement partial pour les appareils auditifs (qui ne sont donc pas tout à fait gratuits !) pousseraient les parents à opter pour la première choix sans réfléchir aux conséquences …
Il serait plus juste d’essayer d’abord les appareils auditifs et en cas d’échec, nous pourrions nous tourner vers les implants cochléaires mais c’est l’argent du gouvernement qui va surtout vers les implantations : l’argent sert de nerf de guerre !!
C’est la manipulation politique …

5. Tout enfant sourd implanté reste SOURD et ne devient jamais entendant …

6. On nous dit qu’il faudrait changer d’un implant après un certain nombre d’années (10 ans ? 20 ans) car les implants cochléaires seront toujours meilleurs à l’avenir.
En plus on imagine difficilement un implant placé chez un nourrisson de moins d’un an, rester en place, fonctionnel, une vie durant.
Après la seconde implantation, il faut recommencer la rééducation car l’action d’entendre les sons serait différente avec les nouveaux implants : qu’en sera-t-il de ceux qui ont été implantés, réimplantés, rééduqués, rééduqués ?
Cet aspect n’est pas certain, on ne sait pas exactement… c’est encore une inconnue. Serions-nous des malades pour toute notre vie ???

7. Il existe des échecs techniques des implantations : en cas d’échec, certains sourds implantés deviendraient des sourds complets ne captant aucun son ???

8. Avant d’être approuvé par le gouvernement, le dépistage de surdité devait être accepté par la population à dépister : en vérité, la plupart des sourds se sont opposés à cela donc ils sont ignorés ainsi que les professionnels du monde de la surdité.

9. Madame le ministre Fonck est d’accord avec les décisions du congrès de Tournai (2005) des médecins implantateurs suite aux rapports du groupe de travail constitué des médecins ORL, des pédiatres de l’O.N.E., ainsi que des professionnels concernés issus des institutions suivantes : l’O.N.E., l’UCL, l’ULB, l’ULG, l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes et la maternité Notre-Dame de Tournai.
Aucun professionnel sourd et entendant du monde de la surdité n’ai été convié à ce groupe ainsi que dans toute la suite du programme !

10. Les médecins implanteurs s’intéressent seulement aux premiers mois des nouveaux-nés sourds et ne s’en occupent plus après cela : ce sont les parents qui doivent payer trois nouveaux piles alimentant les implants cochléaires presque tous les trois jours : que se passerait-il aux parents défavorisés ?? Effectivement, si les implanteurs savaient ce que deviennent les sourds, peut-être qu’ils changeraient d’avis… ?

11. A cause de cette décision (encore les risques de la « filière de soins »), tous les sourds implantés seraient intégrés dans des classes pour entendants et par conséquence, toutes les écoles spéciales pour sourds fermeraient : que se passerait-il à ceux qui ne réussiraient pas aux écoles normales ?
Où iraient-ils ailleurs ? 20 pour cent (à peu près ?) des sourds (surtout ceux bien entourés de leur famille) réussiraient leurs études chez les entendants : et les 80 pour cent seraient abandonnés de tous malgré leurs implantations ??
Quelles seraient leurs vies ?

J’ai pris connaissance des quatre lettres de réclamation : celle de Caroline Heretynski (Espace, Tournai), celle de la Maison des sourds, celle de l’APEDAF et celle de l’association des implantés.
Je suis d’accord avec les trois premières (la quatrième étant trop favorable : ce sera sans doute la préférée du ministre Fonck, hélas !), pourquoi pas mettre les responsables de ces pétitions ensemble afin de mieux réclamer nos droits …

Je proposerais une solution parallèle : puisque nous ne pouvons pas nous opposer aux implantations car certains enfants implantés ont des succès dans leur vie, nous devrions proposer une semaine de formation aux jeunes parents chez les sourds comme en Norvège : rencontre avec des adultes sourds, culture des sourds, langue des signes, etc … puis les encourager à suivre des cours LS pour qu’ils puissent bien communiquer avec leurs bébés sourds (comme en Suède) et leur donner quelques mois de réflexion avant leur décision finale au sujet des implantations cochléaires …






Témoignage de Candice, maman de Lucien, sourd profond :

Il ne me semble par ailleurs pas indispensable de pratiquer cette intervention "le plus vite possible".
Je cite à ce propos un extrait de l'étude "influence des implantations cochléaires sur le développement socio-affectif de l'enfant sourd" (*) : la faible corrélation entre la précocité de l'implantation et l'adaptation socio affective peut surprendre car il a été beaucoup dit qu'il fallait mieux implanter le plus tôt possible pour obtenir de bons résultats.
Ceci est probablement vrai sur le plan de la réhabilitation audiophonologique et neuro-cognitive, mais sur le plan du développement psychologique, cette recommandation se heurte à la réalité des stades du développement de l'enfant.
Un enfant de deux ans et demi n'est pas dans la même situation relationnelle et socio affective qu'un enfant de 4 ans et réagit différemment sur le plan psychologique à une implantation cochléaire.
Il n'est donc pas évident, sur le plan du développement des aptitudes socio affective, que la précocité d'implantation soit toujours un atout. J'en profite pour recommander la lecture de cette étude disponible sur le web.
(…)
Encouragements à toutes les familles et je pense que l'essentiel est de suivre les conseils de son coeur. Dans ce cas on ne fait pas beaucoup d'erreur me semble-t-il.

(*) http://perso.orange.fr/virole/DA/IPLCTNARTICLE.pdf

(...)

Je te conseille également de ne pas te précipiter dans ta décision sous le pseudo impératif de l'urgence.
Ta fille n’a pas un an, on est pas à 6 mois près pour la décision d'implanter. Je t'écris cela car on nous a mis la pression, à croire que la plasticité neuronale se jouait dans le mois qui suivait!! Ce ne sera peut être pas ton cas.






Témoignage d’Exoseth :

A ce propos, hier encore j'ai pu entendre le témoignage d'une maman dont l'enfant (22mois) a été très récemment implanté.
On ne lui a donné aucune information, mise à part des choses comme :
"Faites-le au plus tôt, sinon... Donnez une chance d'entendre à votre enfant, si vous attendez encore... Faites-le tout de suite, ça vaut mieux pour votre enfant, nous n'avons pas le temps d'attendre... L'opération est légère et sans risque. Votre fils pourra vous entendre."

Comme cela s'est passé pour Candice (et pour tant d'autres), on vous met la pression, on vous empêche presque de regarder ailleurs...
Si l'opération se passe bien, si l'enfant accepte, s'il n'y a pas de complications et si les parents voient l'utilité de tout cela... alors tout va bien...

Il avait 75 et 100 db, et il est passé à 25 db...

Pourtant cette femme dont je vous parle ne connaît que des difficultés, dont elle se plaint... et qui lui font dire "Ah si on m'avait expliqué, si seulement on m'avait dit ça avant..."

Personne ne lui a dit que son enfant devra se faire ré-opérer tous les 10 ou 15 ans.
Personne ne lui a dit qu'il y a des risques de paralysies faciales au début.
Personne ne lui a dit que son fils allait faire des otites après l'opération (ce n'est peut-être pas lié). Personne ne lui a dit pour les portiques magnétiques dans les aéroports, pour le risque de lésions à cause des ondes au fil du temps...
Personne ne lui a dit qu'elle allait faire face à du matériel fragile, inadapté à l'âge de l'enfant (celui-ci jette l'appareil extérieur dès qu'il ne supporte plus d'entendre, et l'embout se détruit à chaque fois)...
Personne ne lui a dit qu'elle devait prendre une assurance pour remplacer ce matériel fragile... les piles associées (introuvables dans le commerce, parait-il)...
... personne n'a dit à cette femme l'implication sociale que cette intervention allait générée pour son enfant : elle doit traverser le pays pour trouver une crèche qui accepte les enfants implantés... et ce n'est que le début de son périple...

...je crois que la liste serait encore fort longue...

Vous me direz : pourquoi cette femme ne s'est-elle pas renseignée ?
Elle s'est renseignée au sujet du monde des sourds.
Mais à propos de l'implant, elle ne pouvait simplement pas imaginer tout ce cirque... toutes ces difficultés... (et on n'en a pas fait le tour)
"on ne pense pas à ça" dit-elle, dans ces moments-là... et puis, on vous met si bien la pression, "le couteau à la gorge" comme elle le dit elle-même, que l'on fait vite de prendre une décision pour le bien de l'enfant... tout ce que l'on sait, tout ce que l'on ressent, c'est la douleur... "mon enfant est sourd, je ne pourrais pas communiquer avec lui, il vit dans un autre monde que le mien... ou alors... l'implant, comme ils me le proposent"

Je ne suis pas révolté... je ne pense pas l'être...
Mais je constate les faits de violence opérés sur les personnes en difficultés... car il s'agit bien de violence : lorsque l’on se préoccupe de « guérir » les personnes sourdes ou dont l’audition est déficiente sans comprendre ce qu’est la culture des sourds… cette forme d’indifférence, d’insouciance, de négligence… est tout autant violent… et provoque des situations brutales pour les personnes concernées…
Il y a des gens complètement insouciants et négligents, qui tiennent des postes à responsabilités et à décisions, et qui ne font pas ce qu'ils doivent faire.
Ce sont des incompétents.
Ils ne sont pas à leur place... c'est simple...






Intervention de Nicolas Rettmann, sourd profond de deuxième degré :


Vous trouverez ci-dessous une information se rapportant aux précautions d’emploi d’un implant cochléaire (tiré d’une brochure se trouvant dans le paquet de l’appareil) :

* Ne pas faire fonctionner le processeur vocal à une température supérieure à +40 °C ou +104 °F ou inférieure à +5 °C ou +41 °F.

* Ne pas ranger le processeur vocal à une température supérieure à +50 °C ou +122 °F, ou inférieure à -20 °C ou -4 °F.

* La qualité du son du processeur vocal peut se déformer par intermittence dans un rayon de 1,6 km ou 1 mile environ autour d'un relais de radio ou de télévision. L'effet est temporaire et sans danger pour le processeur vocal.

* Portiques antivol et détecteurs de métaux. Les portiques de détection de métaux des aéroports et les systèmes antivol des magasins produisent de puissants champs électromagnétiques.
Certains porteurs d'implant cochléaire peuvent éprouver une sensation de déformation du son au moment de traverser ou en passant à proximité de ces portiques. Pour éviter ce phénomène, arrêter le processeur vocal.
Les matériaux de l'implant cochléaire peuvent activer les portiques détecteurs de métaux. Il est donc conseillé aux porteurs d'implant cochléaire de porter en permanence la carte de porteur d'implant cochléaire.

* Décharges électrostatiques. Une décharge d'électricité statique peut endommager les composants électriques du système d'implant cochléaire ou altérer le programme du processeur vocal.
En présence d'électricité statique (ex. au moment de passer ou de retirer un vêtement par dessus la tête ou en sortant d'un véhicule), les porteurs d'implant cochléaire doivent toucher un matériau conducteur (ex. poignée de porte métallique) avant que le système d'implant cochléaire n'entre en contact avec un objet ou une personne.
Avant d'entreprendre une activité génératrice de charges électrostatiques importantes, par exemple une glissade sur un toboggan en plastique, il est préférable de retirer le processeur vocal et le microphone-émetteur.
Les cliniciens sont invités à utiliser une protection antistatique sur l'écran de l'ordinateur lorsqu'ils programment un implant cochléaire.

* Téléphones portables. Certains téléphones portables numériques (p. ex. GSM dans certains pays) peuvent parasiter la partie externe de l'équipement et entraîner pour le porteur d'implant cochléaire une perception déformée des sons à moins de 4 m ou de 3 à 12 pieds d'un téléphone portable numérique en marche.

* Voyages aériens. Certaines compagnies aériennes demandent à leurs passagers de couper tout équipement électrique comme les ordinateurs portables pendant le décollage et l'atterrissage ou dès que s'allument les consignes de bouclage des ceintures. Le processeur vocal est un ordinateur et doit donc être arrêté lorsque cette demande est faite.

* Le personnel navigant doit être averti de la présence d'une personne souffrant d'un handicap auditif pour qu'il lui transmette les consignes de sécurité.

* Traitements médicaux générateurs de courants induits. Certains traitements médicaux sont générateurs de courants induits susceptibles d'endommager les tissus ou de détériorer l'implant cochléaire de façon irréversible. Les avertissements relatifs à certains traitements sont donnés ci-dessous.

Électrochirurgie : Les instruments électrochirurgicaux peuvent produire des courants radiofréquence susceptibles de circuler dans le faisceau d'électrodes. Ne pas utiliser d'instruments électrochirurgicaux monopolaires sur la tête ou le cou d'un patient porteur d'implant cochléaire, car les courants induits risquent d'occasionner des dommages aux tissus cochléaires ou des dégâts irréversibles à l'implant. Les instruments électrochirurgicaux bipolaires peuvent être utilisés sur la tête et le cou des patients à condition d'éviter tout contact entre les électrodes de cautérisation et l'implant et de maintenir celles-ci à plus de 1 cm ou 0,5 pouce des électrodes extra-cochléaires.

Diathermie : Ne pas appliquer de diathermie thérapeutique ou médicale (thermopénétration) à rayonnement électromagnétique (boucles à induction magnétiques ou micro-ondes). Les courants forts induits dans le faisceau d'électrodes peuvent endommager la cochlée ou détériorer irréversiblement l'implant. La diathermie médicale aux ultrasons peut être utilisée en dessous de la tête et du cou.

Neurostimulation : Ne pas appliquer de neurostimulation immédiatement au-dessus de l'implant cochléaire.
Les courants forts induits dans le faisceau d'électrodes peuvent endommager la cochlée ou détériorer irréversiblement l'implant.

Électrochocs : Ne jamais appliquer d'électrochocs à un patient porteur d'implant cochléaire. Les électrochocs peuvent endommager les tissus cochléaires ou l'implant cochléaire.

Thérapies à base de rayonnements ionisants : Ne pas utiliser cette thérapie immédiatement au-dessus de l'implant cochléaire qui risque d'être endommagé.

Imagerie par résonance magnétique (IRM) L'IRM est contre-indiquée : il existe des risques de lésions des tissus si l'aimant reste en place pendant l'IRM. Un patient porteur d'un implant cochléaire ne doit pas pénétrer dans une pièce abritant un scanner IRM. Les indications de sécurité de l'IRM dépendent du modèle de l'implant (avec aimant amovible ou non).

Méningite. Avant l'implantation, il est recommandé aux candidats de consulter leur médecin généraliste, ainsi que le chirurgien chargé de l'implantation, au sujet de la vaccination contre la méningite. La chirurgie de l'oreille interne présente un risque connu de méningite, et les patients doivent en être convenablement informés. En outre, certains paramètres préopératoires peuvent accroître le risque de méningite, et ce avec ou sans implant cochléaire.
Ces paramètres incluent le syndrome de Mondini et autres malformations congénitales de la cochlée, dérivations du LCR concourantes ou drains, épisodes récurrents de méningite bactérienne avant l'implantation, fistules périlymphatiques et fracture/anomalie crânienne avec communication de LCR.

* PERTE D’AUDITION RESIDUELLE. L'implantation de l'électrode dans la cochlée entraîne la perte complète d'audition résiduelle de l'oreille implantée.

Effets à long terme de la stimulation électrique par l'implant cochléaire. Pour la majorité des patients, la stimulation électrique a lieu à des niveaux considérés comme sûrs, basés sur de l'expérimentation animale. Pour certains patients, les niveaux nécessaires pour produire les sons les plus forts dépassent ces niveaux. Les effets à long terme de cette stimulation sur l'homme sont inconnus.
Danger des petites pièces. Parents et soignants doivent être avertis que la partie externe du système d'implant contient des petites pièces dangereuses en cas d'ingestion ou pouvant être cause d'asphyxie en cas d'absorption par les voies respiratoires.

* Traumatisme crânien. Un choc à la tête au niveau de l'implant cochléaire peut endommager l'implant et entraîner sa panne. Les jeunes enfants dont les facultés motrices sont en développement présentent le plus grand risque de recevoir un choc à la tête par un objet dur (table ou chaise).



Et dans tout cela... le port d’un appareil auditif ne serait-il pas plus raisonnable pour le bien-être de l’enfant ?

(...)

Il faut savoir que la récente décision de la Ministre Fonck s’inscrit dans une filière de soins où le nouveau-né sera exclusivement dans les mains des professionnels. Exit donc les adultes sourds qui pouvaient être repris dans l’équipe pluridisciplinaire. Je ne vais pas détailler ce sujet dans mon post mais une chose qui me rassure est de constater que bon nombre de personnes sourdes et entendantes commencent à se forger une réelle opinion, une prise de conscience à l’égard de l’implant. Ce qui n’était pas vraiment le cas il y a quelques mois où tout le monde se pliait aux exigences médicales.

J’espère que d’autres témoignages notamment des personnes lésées par l’implant dans le passé amèneront à une réflexion globale et donc approfondie.

Au vu des réactions actuelles, je constate que les médecins sont naturellement prudents dans leurs discours et tentent de combler le risque éventuel de l’implant par la présence de la langue des signes. Or certains médecins sont à l’origine du protocole de dépistage qui ne tient guère compte des adultes sourds, donc de la Communauté des sourds. Paradoxal non ?

Concernant le cas de Théo, le médecin résume qu’à cause du sifflement... il faut opter l’implant. Est-ce raisonnable d’après vous ?

En consultant diverses informations à titre d’exemple tel que le site (www.cisic.fr), je constate que l’implant est destiné à toute personne ayant une surdité sévère (déjà !), moyenne ou profonde. La cible des patients est largement surestimée puisque vous dites vous-même que l’implant pourrait servir surtout à un enfant ayant une perte auditive de 120 db (= surdité profonde de type III) où la prothèse ne peut être d’utilité.

Ce qui explique que pour les personnes ayant une surdité moins importante... celles-ci auront une perte auditive totale après 10-15 ans, durée de vie d’un implant.

Implanter c’est rendre plus sourd.

Je sais qu’il est peut-être trop tôt pour annoncer les résultats espérés de l’implant mais quand il sera trop tard, ce sera trop tard...

Je ne suis pas médecin mais dites-vous bien que remplacer un implant une première fois, une seconde fois voire une troisième fois... n’est pas aussi sain qu’implanter.

En effet, la motivation première des médecins s’explique par l’énorme plasticité cérébrale chez l’enfant, contrairement à l’âge adulte, où il peut apprendre quasi spontanément le code artificiel amené par l’implant.

En d’autres termes, implanter lorsque la plasticité cérébrale est réduite... c’est faire perdre une chance à l’enfant. D’où risque d’un échec de l’amplification.

En somme implanter ou réimplanter à un certain âge ... peut présenter un risque majeur.

Pour rappel, faisons toujours bien la distinction entre un bébé qu’on vient de constater sa surdité à une personne devenue sourde où le risque est moindre.

En cas d’échec, on n’a aucun recours possible en cas de défaillance au niveau du volet opératoire vis-à-vis du médecin implanteur puisqu’un consentement par écrit est de rigueur étant donné du risque important.

Pour ma part, je suis un adulte sourd ayant une perte auditive de 110 db (= sourd profond de type II) et porte des prothèses auditives qui me procurent une aide formidable. Je ne vois donc pas en quoi le recours à l’implant est plus jamais que nécessaire par rapport à une prothèse auditive pour quelqu’un ayant une perte équivalente à la mienne.

Pouvez-vous m’aider à répondre à cette réflexion ?

Si vous ne me croyez... il suffit de se voir un jour pour croire qu’il est quand même possible de réussir sa vie en n’étant pas implanté. Je connais bon nombre de personnes pouvant servir de témoignage

(...)

Outre divers arguments, je déplore le prétexte du sifflement de l’appareil auditif... en vue d’orienter l’enfant à l’implant. Ouvrez vos yeux ! C’est I-N-O-U-Ï !!
C’est de la manipulation à l’état pur de ce système pervers.

S’il vous plaît... Prenons patience... Soyez braves... Refaites un embout tout simplement... Il a peut-être un bouchon à l’oreille... Ou il faut régler l’appareil... Ou encore que le tube est abîmé, on en met un nouveau... Et tout cela rentrera dans l’ordre même si ça siffle de temps en temps... C’est normal... Et puis ce n’est qu’un bébé.
Faut-il avoir étudié la médecine pour dire ces petits mots d’espoir avec un brin d’humour s’il le faut ?

C’est cela parler avec le coeur et qui pourra adoucir l’inquiétude des parents.
Des termes que j’ai vu de la part de l’entourage et pourtant pas nécessairement diplômé en médecine durant mon enfance... et qui m’ont permis de vivre heureux avec des prothèses auditives.

Une note que je ne pourrai m’en passer : rappelez-vous que l’implant d’une durée de vie de +- 15 ans TUE les restes auditifs.







Intervention d’Exoseth :

A ce propos, j'ai trouvé un article dans le "Science et Avenir" du mois d'octobre (2006)... (…)

Pour un dépistage de la surdité

« L'INSERM appelle au dépistage précoce et systématique des surdités "parce que chaque année en France, près d'un millier de nouveau-nés naissent sourds et qu'ils sont diagnostiqués trop tardivement, aux alentours de 18 mois" plaide le professeur René Dauman, spécialiste ORL à l'hôpital Pellegrin (Bordeaux) et membre du groupe de travail de l'INSERM qui vient de rendre ses conclusions dans une expertise collective. Bien que figurant sur le carnet de santé depuis les années 1970, le dépistage systématique se fait attendre. Une étude de faisabilité a démarré le 1er janvier 2005 dans six villes et 30 maternités, 150 000 bébés devraient avoir été examinés fin 2007.
Il faudrait un registre national des enfants sourds, insistent les experts. Car cette affection (le plus souvent génétique) a de lourdes conséquences sur l'acquisition du langage oral et le développement socio-affectif de l'enfant.
D'où l'importance d'un diagnostic précoce pour, selon les cas, la mise en place d'une rééducation orthophonique ou la pose d'une prothèse.
Vigilance donc si à 9 mois l'enfant ne redouble pas les syllabes, si à 14, il ne répond pas à son prénom ou s'il n'est pas compréhensible à 3 ans.
»

www.inserm.fr


(…)
Je veux souligner en gras le mot "affection"... et de souligner également que ce sont des experts, mais qu'ils ne connaissent rien apparemment au monde sourd... :
Depuis quand la surdité a de lourdes conséquences sur le développement socio-affectif ?
N'est-ce pas plutôt l'acharnement orthophonique (et autres) qui a de lourdes conséquences sur l'épanouissement naturel (langage du corps, langage gestuel, langage du coeur) ?

Bon...
En tapant l'article, une idée est passée ici : ne faudrait-il pas plutôt se lever devant la justice internationale et le corps médical pour tout simplement faire interdire ces pratiques discriminatoires DE TYPE EUNGENIQUE...
Le dépistage est une insulte...

Si l'article disait : il faut dépister tous les nouveaux-nés pour éviter la naissance de bébés à la peau noire ; "parce que ce type d'affection, vous le savez bien, a de lourdes conséquences sur le développement socio-affectif de l'enfant... un enfant noir dans un monde blanc doit être ré-éduqué en vue de l'intégrer..."
Nous en serions choqués, n'est-ce pas ?
Le mot "intégration" est une insulte...

(...)

Le dépistage est une pratique eugéniste... et ça c'est totalement irrecevable, sur tous les plans...
Il n'y a aucune excuse possible, aucun argument qui puisse tenir, c'est indéfendable : il y a crime contre l'humanité...


"La question de l'eugénisme est traité par le code pénal, dans le Sous-titre II du Titre I du Livre II, intitulée « Des crimes contre l'espèce humaine » :

Article L 214-1 :
« Le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende ».

Article L 214-3 :
« Cette peine est portée à la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée »
À l'Assemblée nationale, le scrutin n°167 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la bioéthique, a été adopté avec modifications en deuxième lecture séance du mardi 8 juin 2004 (310 votants, 304 suffrages exprimés, 187 pour, 117 contre).

Cependant, aussi claire qu'elle paraisse, la position française est en pratique bien plus ambigüe, si on considère les obligations de dépistage (visites prénatales obligatoires) et les facilités légales ainsi que l'encouragement à l'avortement lorsque l'enfant à naître présente des malformations : il s'agit manifestement de pratiques eugénistes, qui ne posent pas de problèmes sociaux
."







Intervention d’Exoseth :

Qu'on ne puisse pas éradiquer l'implant ?

Est-ce le but de ceux qui sont contre l'implant ?

Contre quoi les poings se lèvent ?
Est-ce contre l'objet technique ?
Est-ce contre l'introduction de l'objet dans l'intimité de l'individu ?

Nous savons que cela va beaucoup plus loin que ça...
Le docteur Benoît Drion, Arnaud, Bernard et quelques autres personnes n'ont pas cessé de brosser les tenants et les aboutissants de la problématique...

Si les poings se lèvent ce n'est pas tant CONTRE l'implant, mais POUR la liberté d'expression, la liberté tout court... celle d'exister...la liberté de choisir... d'avoir encore la possibilité de dire "oui" ou "non"...

Si les médecins étaient aussi informés que Candice ou que le docteur Drion, nous aurions certainement moins l'envie de nous lever... et de marcher... peut-être en criant contre l'abus et l'aveuglement, contre le manque de compréhension et d'humanité (comme le soulignait très justement Lucienne)

Ce n'est pas tant l'implant qui suscite l'opposition... il faut bien le comprendre... Mais la manière dont l'implant est imposé avec subtilité, avec tact ou sans aucune retenue... sans compter les motivations partiellement économiques qui sous-tendent toute cette situation...
C'est aussi la manière dont la personne sourde n'est pas reconnue en tant que telle... La manière dont, encore à notre époque, le sourd n'a pas le droit d'exister en tant que personne capable et normale... et non pas malade...

Les entendants ont reconnu la LS ?

Je dis que non...

Si c'était le cas, on ne laisserait pas le corps médical, -à coups d'implantations massives et sans discernement-, grignoter progressivement la base fondamentale de la culture des Sourds ; la LS.

Où est la reconnaissance de la culture des sourds dans tout ce **** ?!!!

Laissez-moi rire... !

Donc voilà pourquoi, entre autres, il y a des gens qui disent NON à l'implant...
Pourquoi ?
Parce que, tant que les entendants (en première ligne, les "médecins") continueront à alimenter leur propre hypocrisie, leur ignorance et leur intolérance, il est nécessaire d'être CONTRE...
En étant CONTRE, on se lève simplement contre l'absence de compréhension et contre la déshumanisation des pratiques pseudo-thérapeutiques de la médecine actuelle...

Ceci dit, comme tu le soulignes, il faut aussi être POUR la valorisation et le renforcement de la LS., de l'éducation par les sourds et pour les sourds (avec participations des entendants)... etc., etc.


Il ne s'agit pas d'avis ou d'opinions "pour" ou "contre", mais d'engagement de la conscience en vis-à-vis de la VIE... son respect...

Le CONTRE signifie : se battre pour la compréhension, la tolérance et l'altruisme...
Le POUR signifie : se battre pour la sauvegarde et la protection de ce qu'il y a de plus humain ; l'échange et le partage des valeurs à travers un langage naturel, la LS.

(...)

Si l’on était tous le cœur ouvert les uns envers les autres…
le mot « handicap » n’existerait plus…
(le monde accueillerait les minorités au travers de structures ouvertes)

C’est un idéal… une utopie ?

ok… admettons…

mais…

Par contre…

Si l’on ne fait rien…
c’est la « personne handicapée » qui va disparaître…
(ils pourront bientôt s’introduire dans les corps et régler les gènes : faire disparaître la surdité, la cécité, etc.)

Pourquoi s’en priveraient-ils ?
« Nous vous rassurons, dès à présent nous avons les moyens de vous guérir, laissez-nous faire… »
Guérir de quoi ? de votre « différence » ? de votre « handicap » ? de votre « maladie » ?
Et guérir à quel prix ? Qui nous dit que la modification des gènes ne va pas entraîner de lourdes conséquences ?
N’y a-t-il pas une réflexion à la fois philosophique et éthique à poser ?
N’y a-t-il pas une sorte de goût amère, en arrière plan, qu’on appelle eugénisme ?

(...)

L'eugénisme c'est fondamentalement deux choses :

l'acte (les méthodes) et la théorie (l'idéologie)

L'idéologie est tenue par des groupes ou des individus qui favorisent la banalisation et l'institutionnalisation de l'acte sous couvert de tas de "bonnes raisons"... (pour d'autres, ces "bonnes raisons" sont des absurdités ou des horreurs)

L'acte ?
En fait c'est subtil, cet acte est subtil... il faut donc faire attention pour le dénicher là où les tenants de l'eugénisme sont parvenus à le banaliser jusqu'à le rendre quasi invisible.
Je crois que l'on peut résumer en ces termes : l'acte devient "eugénique" dès qu'il s'agit de contrôler les naissances... peu importe dans quel sens...
De les contrôler dans l'idée de limiter la naissance des caractères jugés défavorables OU au contraire de renforcer la naissance des caractères jugés favorables...
L'un ne va pas sans l'autre si on analyse un peu...

Donc ?

Donc vouloir faire naître des sourds ou des entendants est déjà une volonté de type eugénique... ou eugéniste...

(...)

Joe J Murray :

« (...) C’était en 1883 que le terme de l'eugénisme est apparu.
Avant on disait « heredity ».
Vers 1890, la conception de l’homme change – le progrès de la science et le concept vers la perfection est due par le test de QI.
Cette mesure intellectuelle tend à supprimer les plus arriérés, les trisomiques, les handicapés mentaux…
La solution de Bell est, en premier lieu, d’empêcher les personnes sourdes de se rencontrer entre eux – de se marier entre eux – et d'avoir des enfants sourds.
Bell, avec l’utilisation du téléphone et le soutien des lobbies auprès du gouvernement, donne seulement une éducation orale aux jeunes sourds.
Bell proposait de supprimer l'utilisation de la langue des signes – ainsi supprimer les écoles pour les jeunes sourds – il décourageait ainsi les associations des personnes sourdes.
Bell a donc sûrement initié l’eugénisme puisque encore, les nazis sont venus en Californie pour être renseigné sur l’eugénisme.
Attention, tout cela n’est pas directement lié avec Bell puisque les idées se sont construites au fur et à mesure des années après.
La longue politique de l’eugénisme a réellement commencé au début du XXe siècle aux Etats-Unis et la politique d’hygiène raciale nazie n’est que la suite d’une longue histoire lancée par Bell et la science.
Ces idées n’ont pas changé ; aujourd’hui on n’accepte pas les enfants sourds ; on les implante des microtechniques afin qu’ils soient robotisés « entendant ».
Les médecins de l'audition ne conseillent pas la langue des Signes aux parents ; c’est ainsi nous faisons référence de l’implant cochléaire comme extermination progressive du groupe ethnique des sourds : du plan culturel et sociolinguistique.
»

[frontrunnersjerome.blogspot.com]


Brigitte Lemaine :

(…)
Un des opposants les plus farouches à la langue des signes a été Graham Bell, l’inventeur du téléphone, ce qui est assez révélateur.
La langue des signes c’est quelque chose qui court-circuite le lobby médical et l’industrie des media.
C’est quelque chose de gratuit, qui ne nécessite pas d’appareillage et ne génère pas de profits.
Bref, ça sort les sourds du monde des handicapés sur lesquels on peut se faire beaucoup d’argent.
L’intérêt des médecins, de l’industrie et aujourd’hui des biotechnologies c’est de maintenir les sourds dans l’assistance médicale et technologique. (...)
[www.interdits.net]





        D’un point de vue économique



Intervention de Bernard le Maire, sourd profond, époux d'une sourde, père de deux filles sourdes, petit-fils des sourds, arrière-petit-fils des sourds, petit-neveu des sourds... :

Pour moi, c'est un SCANDALE de proposer des implants cochléaires à 100 % gratuits alors que les prothèses auditives ne le sont pas !!
A cause de cela, les nouveaux parents ne savent pas bien choisir entre ces deux options !!
Il faudrait essayer d'abord les prothèses auditifs numériques (proches des implants) sinon, en cas d'échec, on peut aller vers les implants cochléaires (= sorte de machine qui serait à l'intérieur du corps ...) si les parents sont bien informés sur la culture des sourds et ont beaucoup réfléchi !!






Témoignage de Fred, sourd profond, appareillé :

En plus, les parents entendant (en générale) préfèrent l'implant pour son enfant sourd, pourquoi car celui-ci bénéficie le remboursement total de la part d'une mutualité (25.000€ à 30.000€ pour l'opération, l'implant, etc…).
Par contre pour les prothèses auditifs, ça coûte 2.000€ à 3.000€ pour le paire et la mutualité ne rembourse que 75% pour les enfants de moins de 16 ou 18ans, et 25% pour les adultes…. La honte, il faut protester.

En plus il existe l'arnaque dans la société, c'est-à-dire, si le niveau de la surdité de l'enfant ou la personne s'élève à partir 70% ou supérieur, le vendeur des prothèses dit que l'appareil plus puissant et bien supérieur à 1.800€ ou 2.000€ à l'unité ne servirait à rien du tout, c'est le commerce.
Sauf pour les malentendants si la personne décide de prendre ça, libre à eux…
Quant à moi, je suis sourd de 80% et j'ai une PAIRE de prothèses auditifs numérique coûte que 2.000€ et cela me suffit très bien largement…
Bien sur si les prothèses coûtent plus cher = meilleures auditions, ça oui d'accord, mais pas beaucoup de différences pour les sourds de plus 75% de niveau de la surdité…. (…)

Quant à moi, il faudra informer le ministre de la santé Rudy Demotte concernant l'implant et lui expliquer les risques importants, par rapport aux prothèses auditifs. Ainsi le remboursement de la mutualité. Il ne fait pas trop manifester car il se peut qu'il soit mal informé, alors il faudra bien expliquer clairement avec sagesse. Il est aussi le bourgmestre de Flobecq .

Il faut pas oublier d'ajouter une remarque à le ministre Rudy Demotte concernant l'exonération de la taxe Radio et TV ainsi réduction de 50% pour l'abonnement téléphonique ainsi TV pour les sourds ayant un niveau de la surdité de plus 60% ainsi pour les catégorie 2 de la vierge noire (inclus qu'à partir cat.3)….






Intervention d’Alphie :

Un autre facteur qu’il est utile de préciser. L’INAMI intervient pour le remplacement du processeur MINIMUM 3 ans après l’accord du remboursement (c’est en effet la date de l’avis favorable émis par l’INAMI qui est le critère de référence) pour les patients de moins de 12 ans.

Au-delà de 12 ans, le processeur serait remplacé après minimum 5 ans.

ATTENTION ! Cela ne signifie pas que l’INAMI remboursera les yeux fermés ! Le médecin devra fournir un rapport motivé, justifiant la nécessité de remplacer le processeur ! En général, les arguments avancés, tourneront autour de la fréquence des pannes.

Si vous lisez ce message entre les lignes, vous déduirez que le point faible du processus d’implantation se situe dans les modes de remboursement qui varient pratiquement d’une année à l’autre et non dans les performances qu’un patient peut espérer de ce type d’appareil.

Ce qui m’amène au dernier point.
D’abord, une règle que l'on ne rappellera jamais assez.
L’implant cochléaire est la dernière solution !
Si toutes les solutions préalables ont été exploitées et que les résultats sont globalement négatifs, alors oui, l’application d’un implant cochléaire est envisageable.
Avant d’arriver à cette décision, il y a de la marge et il n'y a rien de systématique.
Le patient reste libre d'accepter ou de refuser.
Je suis nettement plus réservé avec 2 implants sur un patient, compte tenu précisément de la fragilité du processeur même si l’INAMI intervient actuellement à raison de 400 euros par an pour les éventuelles réparations.
Rien n’indique effectivement que la politique actuelle de l’INAMI sera toujours aussi favorable.

Enfin, faut-il encore le dire ?
L’implant cochléaire ne soigne pas la surdité.
Il rétablit un confort auditif avec des résultats qui seront fonction du passé du patient et de son assiduité au cours de la phase de rééducation.






Intervention de Jacques :

Je suis outré depuis un bon moment qu'il existe un traitement inéquitable de la part de l'INAMI dans le remboursement entre un appareil auditif classique (contour d'oreille) et un implant cochléaire.
L'iNAMI rembourse 450 euros maximum pour le contour d'oreille (coût 2.200 euros pour le numérique) et 100 % pour l'implant qui coûte environ 21.000 euros ! Inutile de demander à l'AWIPH pour une intervention complémentaire dans l'achat d'un contour d'oreille car son règlement n'en prévoit pas.
Comment est-ce possible que d'un côté l'INAMI est extrêmement généreux envers les implantés et pingre envers les porteurs de contours d'oreille.
Ce n'est pas étonnant que les implants rencontrent un succès.
Pourquoi l'INAMI rechigne d'augmenter l'intervention pour les contours ? A cause du budget ?
Prétexte bien faible vu le coût de l'implant remboursé 100 % et du nombre croissant des implantés.
Je sais que la FFSB a fait des démarches au nom des malentendants auprès du Ministre Demotte pour améliorer le remboursement.
Où en est-on maintenant ?
Afin d'influencer efficacement le Ministre, je suggère à la FFSB de faire une campagne auprès de tous ses membres ou non pour que ceux-ci envoient une lettre individuelle au Ministre Demotte.
Pour faciliter la chose, il serait bon que la FFSB mette sur leur site un modèle de lettre à compléter.

Si le Ministre hésite encore à cause de son soi-disant "budget", alors je lui proposerai une solution plus équitable : remboursement à 90 % pour tout type d'appareillage.
Autrement dit, le patient ou client paiera 10 %. Exemples : le remboursement d'un contour s'élèverait à 1.980 euros pour un appareil de 2.200 euros (coût net à payer : 220 euros), d'un implant à 18.900 euros (net à payer par l'implanté : 2.100 euros). Cette formule aurait l'avantage de rendre le "budget" neutre et de suivre l'index du coût des appareils sans cesse croissant.








              ___________________________




              Bibliographie :




- Blog du Docteur Benoît Drion : http://bdrion.over-blog.net/

- Commission de la santé, des matières sociales et de l’aide à la jeunesse du Parlement de la Communauté – Sessions 2004-2005, 2006-2007 (http://sentendre.blogspot.com)

- Larousse Médical, Ed. Larousse 2006

- « Protocole de dépistage systématique en Communauté Française » ; http://sentendre.blogspot.com/2007/01/protocole-dorganisation-du-dpistage.html

- Témoignages provenant de la FFSB ; http://sentendre.blogspot.com

- Vulgaris Médical : http://www.vulgaris-medical.com

1 commentaire:

Kira Roza a dit…

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