Ce blog constitue un recueil de témoignages issus du forum de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique

On ne retire pas l’implant aussi facilement que ça


Témoignage de Charlotte, jeune fille de 17 ans implantée à l’âge de 10 ans :

Puis, je suis dépendante de mon implant, ça, Benoît Drion le disait et cela est vrai.
Surtout pour la communication avec les entendants, en fait.
L’implant m’aide beaucoup dans ce domaine-là, car je ne suis pas très forte en lecture labiale.
Et la musique ! Je ne peux pas m’en passer. J’aime en écouter.
Puis la voix anglaise des acteurs qu’on entend lorsqu’on regarde un film V.O avec sous-titres, cela met de l’ambiance… Etc.
Mais je peux aussi m’en passer. Je n’aime pas mettre tout le temps l’implant, car j’aime aussi « écouter » le silence.
Mais je ne supporte pas de rester dans le silence pendant plus de trois jours parce que mon moral dépérit après… sauf quand je suis avec mes amis sourds et que j’ai tout le temps du « visuel animé » dans mes yeux. Comme au CREE par exemple, il m’est déjà arrivé de passer dix jours dans le silence.
Quand j’oublie de mettre mon implant en partant précipitamment à l’école… l’interprète en langue de signes « remplace » l’implant.
Lorsque je suis en récréation avec les entendants ou que je sors avec mes amis entendants, j’ai énormément de difficultés à communiquer avec eux. Surtout quand je suis allée à la piscine avec eux…
L’implant m’a apporté des choses. Cela a été positif pour moi, même si je ne parle pas « parfaitement » et puis, comme je l’ai déjà dit, je reste sourde malgré tout.

Avec les inconvénients de l’implant qu’il y a et mes peurs, je n’ose pas imaginer ce qui se passera si je n’ai plus d’implant…
Maintenant, j’avoue que je comprends mieux les entendants qui ont peur de devenir sourd. Mon implant, je sais comment c’est, j’ai « entendu » avec.
Et si je n’en ai plus, cela va être un grand changement… déjà avec ma prothèse auditive, j’entends beaucoup moins, voire mal.
J’ai le sentiment que je peux surmonter cela vu que j’ai déjà surmonté d’autres choses. Cela demande des adaptations, c’est tout. Ca, je l’ai vu chez les sourds qui n’ont pas d’implant ou d’appareil auditif, etc. Mais la musique ? Et les autres qui ont mis tant de temps à s’apprivoiser à moi ?
Beaucoup de questions de ce genre là…. Cela va être difficile, déjà que j’ai mes tourmentes d’adolescente qui n’ont rien à voir avec la surdité et j’ai l’impression que je vais mettre longtemps à m’en sortir...
Que bref, je serai toujours comme ça.

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Témoignage de Audrey, jeune fille de 19 ans implantée à l’âge de 7 ans :

Mais je dois aussi avouer que je suis complètement dépendante de mon implant, comme un entendant de son oreille.
S'il se casse, si le dispositif à l'intérieur est foutu, franchement, je me sentirais mal.
Parce que j'ai connu ce que c'était d'entendre, parce que j'ai pris goût à l'autonomie que mon implant m'a permise dans le monde des entendants, je peux converser avec n'importe qui (quasi, c'est agréable, je dois l'avouer, agréable de comprendre par soi même sans devoir recourir à une interprète, ainsi je peux m'intégrer plus aisément dans un groupe d'entendants, bref...
L'implant m'a permis de me sentir bien dans le monde des entendants, qui, rien à faire, reste la majorité, et rien que pour ça, je lui en suis reconnaissante, et donc à mes parents.

Je suis incapable de passer une journée sans, parce que j'en ai besoin, comme je VIS dans le monde des entendants.
Si je suis avec des sourds, ou avec ma famille, ou chez moi, je peux sans problème l'enlever, le silence ne me dérange pas, j'ai vécu avec tellement longtemps.
En fait, si mon implant se cassait, ce qui me manquerait, ce ne serait pas les bruits, la musique, etc non, mais je ne pourrais plus communiquer avec les entendants, du moins pas aussi facilement.

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Témoignage de Marie-Florence, jeune fille de 20 ans appareillée à 3 mois :

(…)c'est que beaucoup de parents d'enfants sourds et implantés (parents qui, ne l'oublions pas, on fait, eux, l'effort de s'informer) et ayant opté pour une formule d'éducation bilingue (oooh que c'est beauuu... c'est franchement émouvant !) disent souvent de l'implant de leur enfant "s'il veut, il pourra toujours l'enlever."
(…)
D'accord, c'est faisable.

Mais je vais d'abord vous expliquer mon cas, cas qui n'est pas seulement le mien, mais aussi de quelques amis sourds que je fréquente souvent.
Nous sommes sourds, nous avons environ la vingtaine, sommes bilingues, plus ou moins bons signeurs, et fort bons oralistes, nous vivons dans une famille entendante qui nous a donné des appareils, un implant ...
(…)
Voila que, dans une telle situation, imaginez que nous prenions la décision d'ôter nos appareils auditifs.
Soit nous entrerions dans le monde dit SOURD total, et nous imprégnions davantage encore de cette culture sourde, que moi au moins, j'essaye aujourd'hui (aujourd'hui car ce n'était pas le cas il y a quelques mois, avec mon petit esprit manichéen) de comprendre du mieux que je peux, d'appréhender avec tous ses cotés positifs et négatifs, en évitant de comparer tout le temps avec le monde entendant, ce qui nous amène souvent à porter des jugements de goût un peu carrés et à étiqueter les deux univers.
(…)
Mais voila donc, si nous enlevons nos appareils, du côté du monde sourd, ce n'est pas trop grave... sauf qu'au début certains d'entre nous pourraient avoir quelques difficultés à se sentir acceptés : on parle trop français disiez-vous ?
Bon d'accord on va se mettre à la langue des signes ... Et ce qu'on fait, c'est pas de la langue des signes ? Ah bon, alors apprenez moi s'il vous plait ! Ah non vous ne voulez pas, il faut que j'aille suivre des formations UF1, UF2, etc ... Dites, vous croyez que j'ai envie d'apprendre comme ça ?!

C'est comme dire à un noir va te mettre du charbon sur le visage tu n'es pas assez noir, après on fera l'effort de t'accepter comme tu es.
Et pour finir on se retrouve dans un cercle vicieux, on se retrouve seulement entre nous, c'est à croire qu'on est les seuls à supporter le français signé, non mais vous oubliez qu'on est "sourds" aussi !
Ah mais non pas tout à fait sourds, pour certains. On est quoi alors ?! Malentendants ? Créons l'union des malentendants alors...
Je ne dis pas que la situation est toujours comme ça, mais c'est en exagéré certains messages que nous ressentons auprès de la communauté sourde.
Et après ça il faut encore et continuer à l'aimer, certains sont vraiment courageux !
Mais oui, elle est si belleeeuuuh ! Et on l'aimeuuh ....

Bon pour résumer, jusque là avec l'opinion générale, en ôtant nos appareils et en supposant que l'on peut s'adapter tout à fait à la communauté sourde et tous ses cotés négatifs (questions indiscrètes, coté journalistique, psychotismes et troubles de la personnalité comme partout ailleurs...) on "risque" peut-être un peu de glisser dans un univers plutôt que dans l'autre et perdre une partie de la richesse de l'autre rive... mais sans plus.

Regardons maintenant du coté de notre famille, de notre monde entendant ce qui se passe lorsque nous ôtons nos appareils.
Nous n'arrivons plus à suivre les conversations à table (en supposant que nous y arrivions !!), nos parents ne savent plus nous appeler du bas de la maison, nous faisons répéter nos parents 3 fois plus souvent, ils doivent faire davantage appel au LPC ou à la langue des signes...
Franchement, lorsque le bébé est petit, c'est facile de dire "il pourra les enlever quand il veut" mais lorsque ce petit bébé choisira de les enlever à 20 ou à 30 ans, ferez vous l'effort de vous remettre à la langue des signes ? Personnellement, ma mère, à 47 ans, elle a du mal à s'y remettre (que voulez vous, elle l'avait abandonné car je me débrouillais SI bien avec le LPC)...
Et pourtant mon futur mari risque bien d'être sourd (euh, j'ai lu quelque part, dans un article de Mme Nadine Clerebeau que 90% des sourds se marient entre eux, c'est vrai ?! En tout cas, ouf ça fait réfléchir !) et de ne pas pouvoir suivre les conversations à table comme je le faisais si facilement !
Non mais, se remettre à la langue des signes après tant d'années, ce n'est pas facile !
C'est plus facile pour eux de lever un sourcil et dire "va mettre tes appareils hein pourquoi tu les enlèves !?", et au moment ou ça les arrange, quand j'étudie par exemple c'est l'effet inverse "coupe les hein ! Tu peux les couper alors pourquoi tu ne le fais pas ?" Et moi de répondre : " je préfère étudier dans le PETIT bruit", etc, pour diverses raisons.

Chez moi, ôter mes appareils, en prendre la décision, c'est impossible, ce serait couper les ponts avec ma famille, leur imposer de nouveaux efforts alors qu'à 20 ans je suis déjà fort autonome et qu'ils voudraient, et ça se comprend, être arrivés au bout de leurs efforts.
Non, je ne peux pas leur faire ça. Ils m'ont déjà donné tant d'amour, c'est à moi aussi de trouver un compromis.

Cela dit, mes appareils, en toute franchise, je ne veux pas les ôter définitivement et si je le voulais, ce serait quelque chose d'un peu égoïste, vous ne croyez pas ? J'ai, comme on le dit trop souvent : TELLEMENT FACILE.

Toute cette tartine témoigne que des fois oui, le fait d'implanter ou appareiller un enfant peut lui donner un bel avenir, et grâce aux parents il peut être bilingue et que des fois, ce bilinguisme, très souvent partiel car il faut encore voir quand l'enfant a connu les deux mondes, et s'il les connaît tous les deux à un moment ou l'autre les acceptera-t-il tous les deux à valeur égale ?
L'un ne sera-t-il pas toujours plus facile que l'autre ?
On connaît bien le français mais mal la langue des signes, de travers, assurément de travers, une langue des signes en français parce que l'esprit est éduqué au français.
Donc ce bilinguisme est possible, à condition que l'enfant soit éduqué dans une grande ouverture d'esprit, car même s'il a fait les maternelles avec les sourds, les primaires avec les entendants, ou bien les deux en parallèle, rien ne dit qu'il ne choisira pas exclusivement un monde plutôt que l'autre pendant l'adolescence et après la majorité.
Mais voila, je voulais JUSTE dire, tout en témoignant de ma situation (j'essaye de généraliser, à partir de mon pif car je ne suis pas quelqu'un de très scientifique.) qu'on ne change pas de route comme ça, en enlevant juste l'implant ou l'appareil auditif car ce changement passe par l'entourage et par un grand nombre, vraiment grand, de questions identitaires sur lesquelles je trouve qu'on ne se penche pas assez, car on devrait, vu l'avenir des enfants sourds d'aujourd'hui !

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