Ce blog constitue un recueil de témoignages issus du forum de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique

D’un point de vue législatif... et sur le dépistage



Nouvelle loi du ministre Fonck
Envoyé par: Bernard le Maire(194.29.98.---)
Date: mer 20 décembre 2006 12:38:19

Cher tout le monde,

Je suis d'accord avec Do et Deaf TV Europe : le problème le plus grave en Belgique concerne la nouvelle loi du ministre Fonck.
A mon avis, il FAUT beaucoup réflechir avant de décider de faire implanter son enfant sourd et on ne doit jamais l'écarter du monde des sourds qui est le sien ...

Voici mon résumé sur tout ce qui concerne cette nouvelle loi :

La nouvelle loi du ministre Fonck rend obligatoire le dépistage de surdité des nouveaux-nés de trois jours :

Cela nous alarme pour plusieurs raisons :

1. Aucune étude n’a prouvé la différence des conséquences entre le dépistage de surdité chez les bébés de trois jours et celui des bébés de trois mois.

2. Un nombre important des dépistés sourds sont en réalité des entendants : ce sont des faux positifs. Cela provoque des inquiétudes terribles et inutiles des parents et aussi des problèmes d’attachement parents-enfants

3. Le dépistage de surdité obligatoire pour les nouveaux-nés de trois jours veut dire que la surdité est considérée comme une maladie aussi grave que cinq maladies telles que phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, hyperplasie congénitale des surrénales, drépanocytose et mucoviscidose dont le dépistage est aussi obligatoire. NOUS, LES SOURDS, NE SOMMES PAS DES MALADES !! Nous ne formons que la minorité socio-linguistique et culturelle dans le monde des entendants avec la langue des signes comme la nôtre … Cela revient au Docteur Itard (1774-1838), premier médecin O.R.L. qui nous considéraient comme des malades contrairement à l’abbé de l’Epée … Donc, la surdité n’est jamais un problème majeur de santé publique au même titre que les affections précipitées.

4. Ce dépistage obligatoire entraîne les risques de la « filière de soins » entièrement sous contrôle médical. Le 14 février 2005, Madame le Ministre déclarait effectivement que « le but est d’organiser l’ensemble de la filière de soins, du dépistage à la prise en charge optimale des enfants dépistés positifs, y compris la prise en charge dans un centre de revalidation après implantation ». Vous voyez clairement le mot « implantation » donc presque tous les bébés dépistés positifs seraient « automatiquement » implantés pour deux raisons :

a) Les parents de ces bébés sont malheureusement très mal informés au sujet de notre vie, notre culture et l’importance primordiale de notre langue des signes et suivraient naturellement les conseils néfastes des médecins omniprésents durant les premiers mois des nouveaux-nés.

b) La presque-gratuité des implantations cochléaires et le remboursement partial pour les appareils auditifs (qui ne sont donc pas tout à fait gratuits !) pousseraient les parents à opter pour la première choix sans réfléchir aux conséquences … Il serait plus juste d’essayer d’abord les appareils auditifs et en cas d’échec, nous pourrions nous tourner vers les implants cochléaires mais c’est l’argent du gouvernement qui va surtout vers les implantations : l’argent sert de nerf de guerre !! C’est la manipulation politique …

5. Tout enfant sourd implanté reste SOURD et ne devient jamais entendant …

6. On nous dit qu’il faudrait changer d’un implant après un certain nombre d’années (10 ans ? 20 ans car les implants cochléaires seront toujours meilleurs à l’avenir.
En plus on imagine difficilement un implant placé chez un nourrisson de moins d’un an, rester en place, fonctionnel, une vie durant.
Après la seconde implantation, il faut recommencer la rééducation car l’action d’entendre les sons serait différente avec les nouveaux implants : qu’en sera-t-il de ceux qui ont été implantés, réimplantés, rééduqués, rerééduqués ?
Cet aspect n’est pas certain, on ne sait pas exactement… c’est encore une inconnue. Serions-nous des malades pour toute notre vie ???

7. Il existe des échecs techniques des implantations : en cas d’échec, certains sourds implantés deviendraient des sourds complets ne captant aucun son ???

8. Avant d’être approuvé par le gouvernement, le dépistage de surdité devait être accepté par la population à dépister : en vérité, la plupart des sourds se sont opposés à cela donc ils sont ignorés ainsi que les professionnels du monde de la surdité.

9. Madame le ministre Fonck est d’accord avec les décisions du congrès de Tournai (2005) des médecins implantateurs suite aux rapports du groupe de travail constitué des médecins ORL, des pédiatres de l’O.N.E., ainsi que des professionnels concernés issus des institutions suivantes : l’O.N.E., l’UCL, l’ULB, l’ULG, l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes et la maternité Notre-Dame de Tournai.
Aucun professionnel sourd et entendant du monde de la surdité n’ai été convié à ce groupe ainsi que dans toute la suite du programme !

10. Les médecins implantateurs s’intéressent seulement aux premiers mois des nouveaux-nés sourds et ne s’en occupent plus après cela : ce sont les parents qui doivent payer trois nouveaux piles alimentant les implants cochléaires presque tous les trois jours : que se passerait-il aux parents défavorisés ?? Effectivement, si les implanteurs savaient ce que deviennent les sourds, peut-être qu’ils changeraient d’avis… ?

11. A cause de cette décision (encore les risques de la « filière de soins »), tous les sourds implantés seraient intégrés dans des classes pour entendants et par conséquence, toutes les écoles spéciales pour sourds fermeraient : que se passerait-il à ceux qui ne réussiraient pas aux écoles normales ?
Où iraient-ils ailleurs ? 20 pour cent (à peu près ?) des sourds (surtout ceux bien entourés de leur famille) réussiraient leurs études chez les entendants : et les 80 pour cent seraient abandonnés de tous malgré leurs implantations ??
Quelles seraient leurs vies ?

J’ai pris connaissance des quatre lettres de réclamation : celle de Caroline Heretynski (Espace, Tournai), celle de la Maison des sourds, celle de l’APEDAF et celle de l’association des implantés. Je suis d’accord avec les trois premières (la quatrième étant trop favorable : ce sera sans doute la préférée du ministre Fonck, hélas !), pourquoi pas mettre les responsables de ces pétitions ensemble afin de mieux réclamer nos droits …

Je proposerais une solution parallèle : puisque nous ne pouvons pas nous opposer aux implantations car certains enfants implantés ont des succès dans leur vie, nous devrions proposer une semaine de formation aux jeunes parents chez les sourds comme en Norvège : rencontre avec des adultes sourds, culture des sourds, langue des signes, etc … puis les encourager à suivre des cours LS pour qu’ils puissent bien communiquer avec leurs bébés sourds (comme en Suède) et leur donner quelques mois de réflexion avant leur décision finale au sujet des implantations cochléaires …

Nous devons bien réflechir à ce problème !!

Bernard le Maire


Source : FFSB





Re: Le futur des sourds "implantés" a-t-il un avenir ?
Envoyé par: Marie-Florence (---.165-65-87.adsl-dyn.isp.belgacom.be)
Date: jeu 30 novembre 2006 11:52:03

Bonjour

Bon, me revoila après une semaine de silence, de réflexion, comme je m’étais promis de le faire puisque le sujet était aussi chaud, aussi tourmenté,… et après avoir été au symposium à l’ULB la semaine passée (voir section divertissements et bons plans du forum) et avant d’aller au colloque de l’autonomisation de la personne sourde de l’APEDAF ce week end ou je retrouverai, j’espère, certains d’entre vous.

Avec beaucoup de plaisir, j’ai pu lire tour à tour les lettres qui ont été envoyées à la ministre Fonck par les différentes associations.
Merci donc à ceux qui me les ont envoyées, même si ça m’a valu de les recevoir souvent plus de deux fois.

1ere lettre : Caroline H
2e lettre : Edic
3e lettre : Apedaf.

Je ne vais pas les commenter les unes après les autres.
Chacune comportent une part de bonnes idées.
Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est la différence de diplomatie utilisée dans chacune d’entre elles pour faire passer un message.
Etonnant de voir à quel point la pression du monde sourd fait perdre le sens diplomate à l’une d’entre elles, on y ressent toute la rage des sourds.
C’est une bonne chose, mais est-ce réellement une invitation au dialogue.
Attention.

Tantôt l’une s’oppose au dépistage systématique, l’autre l’encourage, … mais toutes reviennent au même point : APPRENDRE LA LS AUX PETITS et encore après, éducation bilingue éducation bilingue, …

Dommage néanmoins qu’aucune ne parle de l’opinion d’Arnaud, des traumatismes enfant-parents, dus à une implantation précoce.

En fait le problème de l’implant est un faux problème, si on oublie cet aspect technique qui est pour moi un débat qui ne relève pas de ma compétence, je pense que pour l’aspect technique ce sont avant tout les médecins, les psychologues et les psychiatres qui sont les plus compétents, et peut-être les parents ayant eu une expérience similaire avec leur enfant, en espérant qu’ils prennent le recul nécessaire car chaque histoire parent-enfant est différente.

Le problème du dépistage néonatal aussi se fonde sur n’importe quoi (à part l’aspect évoqué par Arnaud) : la surdité n’est pas une maladie.
D’accord, la ministre Fonck n’a pas l’air de l’avoir compris mais il faut être réaliste, ce dépistage n’est pas envie de classifier la surdité comme maladie, mais dans le but d’agir le plus tôt possible pour un enfant et cela pour aider les parents avant tout, et la relation familiale qui est quand même essentielle dans la vie d’une personne sourde quelle que soit l’orientation qu’elle prend après dans sa communication.
Pourquoi les sourds s’acharnent-ils à le systématiser dans le cas d’une maladie ? NONNN on n’a jamais dit ça !!
Ouvrez un peu grand vos yeux !
Le Dr Benoit Drion en a parlé mais enfin soyez un peu critiques aussi.
Ce n’est pas parce que ça sort de la bouche d’un médecin que c’est plus valable.
Je n’ai d’ailleurs pas compris pourquoi il a agit ainsi.
Je pense que c’est surtout à cause de la désinformation de mme Fonck, mais concrètement, il n’en est pas ainsi.
Cessez aussi ce mythe de l’universitaire, de l’entendant, qui sait mieux que les autres. (moi même universitaire j’en ai marre de ce mythe d’ailleurs, certains sourds cherchent systématiquement à me rabaisser sous prétexte que je suis à l’université, pour augmenter leur estime de soi !)

Dans le cas du développement d’un enfant pris en charge par ses parents il y a d’abord :
- le deuil de l’enfant idéal
- puis la réflexion quant au moyen de communication qui va être utilisé.
Il faut continuer à encourager les parents à utiliser les deux aspects (LS et LPC). Vous autres, en général, vous demandez aux parents d’apprendre exclusivement la LS, vous voulez battre l’oralisme, mais n’oubliez pas que ces parents ce sont des entendants qui ne signeront jamais comme des sourds, comme des sourds parents d’enfants sourds.
Donc de toute façon qualité de la LS et de la culture sourde sera altérée par la communication avec ces parents.
DONC forcément, quand on n’est pas né dans une famille sourde, la plus belle voie qui s’offre à nous est l’oralisme, du moins dans le milieu familial, accompagnée d’un peu de LS dans la mesure des parents à l’apprendre (et le respect des parents, vous l’oubliez ?!!).
Pourquoi combattre sans arrêt cet oralisme au lieu d’offrir à l’enfant deux opportunités bien plus riches ?
Quand on parle de bilinguisme, les sourds ne se rebutent pas, quand on parle d’oralisme oui.
C’est bien la preuve qu’ils ne sont pas contre l’oralisme en soi (parce que c’est pourtant ce qu’ils clament souvent haut et large (pour ne pas dire fort !) mais plutôt simplement contre l’oppression de la langue des signes.

Une lettre a bien parlé de : recherches en LS, budgets soulevés.
C’est peut-être bien la seule chose que j’ai trouvé vraiment utile dans cette lettre.

Voilà où est le problème : les sourds ont peur que leur culture soit opprimée à cause de l’implant qui est vu comme la solution miracle, ce qui rend entendant, ce qui permet un plus grand accès à l’oralisme.

MAIS Après avoir été une après midi à ce symposium à l’ULB sur le développement de la lecture et du langage parlé chez les personnes sourdes, ou je suis allée le cœur serré en pensant : encore des arguments massifs pour l’implantation.
Mais il faut des sourds pour montrer aux gens qu’on existe et qu’on a une langue. Donc j’y suis allée avec le cœur assez militant il faut dire, j’en suis ressortie toute autre.
Il y a une recherche qui a été faite sur l’ULB (si je me trompe pas, je n’ai pas les actes sous la main) selon laquelle un enfant sourd implanté aurait toujours besoin de visuel, davantage qu’un enfant entendant, pour se développer et se forger une perception du monde.

Ce genre de recherches existent.

Si l’implant a des répercussions négatives, des recherches le montreront un jour.

Une personne sourde s’est levée et a demandé à la conférencière s’il y avait des recherches faites sur la langue des signes.
Le temps accordé a été interrompu et la personne sourde n’a pas pu recevoir une réponse.
Mais une personne travaillant au sein du CCP est venue nous trouver après et m’a dit que la conférencière avait voulu répondre qu’on recherchait des occasions, personnes, pour faire ce genre de recherches.
D’ailleurs le CCP et l’ULB souhaiteraient ouvrir une unité de recherche avec des personnes compétentes.

Il y a petit à petit en Belgique des personnes qui se bougent pour les recherches en langue des signes.
Il est injuste de dire que les mentalités ne changent pas.
Ca avance doucement.
Les sourds doivent continuer dans cette voie. Continuer dans la voie de l’opposition à l’implant est absurde.
A quoi pensez-vous arriver ?

Il faut agir avec un peu d’esprit rationnel, c’est à dire utiliser sa raison ! Agir dans le bon sens : pour la recherche en LS, l’enseignement en LS, etc… mais pas contre l’implant !

On peut modifier les conditions d’accès à l’implant chez les nouveaux nés mais je doute qu’un jour on puisse éradiquer l’implant.
Manu 18 l’a dit lui aussi, la technologie est plus forte.
Et si les implants prouvent avant tout qu’un sourd reste sourd malgré tout (cela ne fait pas longtemps qu’on fait des implants aux petits bébés, attendez de voir les résultats, vous verrez qu’ils ne seront pas si loin de moi, et de beaucoup de sourds de ma génération.
Oralistes, à la base, oui, certes, mais sachant signer, ou du moins ayant les bases nécessaires pour se trouver culturellement par la suite.
C’est d’ailleurs là le but de l’accompagnement du CCP et de l’APEDAF, que l’enfant puisse trouver son chemin dans le plus grand bonheur possible, malgré l’oralisme pratiqué en famille, et peut-être à l’école, car les parents ne sont pas en mesure de faire ce que les adultes sourds peuvent faire : donner les clefs de cette culture sourde.

Il faut accepter que notre communauté sourde soit en mutation.
Les sourds de l’avenir auront un implant, signeront, ou ne signeront pas, comme beaucoup de sourds d’aujourd’hui.
La surdité est de toute façon quelque chose de naturel, un sentiment de l’existence, que même les enfants implantés retrouveront, même si ce n’est qu’entre eux.
Tant qu’on promouvra la langue des signes, rien ne sera perdu.

Cessez donc ce faux débat anti-implant sans rationnalité.

Il est aussi un autre sujet qui me fait penser à tout ça, plusieurs personnes m’ont dit qu’il y avait des personnes implantées à Gallaudet, des personnes qui enlevaient leur implant, n’en ayant plus besoin sur place mais le remettant à l ‘extérieur.
A Gallaudet il y a aussi des personnes qui savent parler l’anglais.
Il n’y a pas que des sourds qui ne pratiquent que la LS exclusivement, sauf par choix. C’est une voie vers le bilinguisme.
Donc si Gallaudet doit être la mecque des sourds, qu’elle le soit justement au moins.

Aucun modèle de société n’est parfait, c’est à nous de construire le notre.

Source : FFSB




Re: Le futur des sourds "implantés" a-t-il un avenir ?
Envoyé par: RETTMANN Nicolas (---.219.143.132.adsl.dyn.edpnet.net)
Date: mer 22 novembre 2006 22:52:04

Bonsoir à tous,

Je tiens avant tout à féliciter Charlotte et Marie-Florence pour leur témoignage et j’invite d’autres à faire de même.

N’ayez pas peur.

Je partage la révolte et la colère de certains comme Fabienne ou Lucienne voulant jeter la pierre à la FFSB ou associations...
Mais je pense que l’enjeu est d’une telle importance que nous devons tous être solidaires et d’avoir une vision commune vis-à-vis de l’implant chez le nouveau-né.

Ne comptons pas seulement sur les associations mais également sur nous-même.
Nous avons tous une part de vécu auquel nous pouvons contribuer par un témoignage, une action concrète, etc.
Sachez encore qu’autour de vous, vous avez des gens actifs à qui vous pourrez faire appel même...

Déployez votre talent de recruteur.

Fabienne, puisque tu travailles dans le monde de la surdité, j’estime que tu peux également jouer un rôle déterminant en matière d’information auprès des parents, enseignants et éducateurs.

Force est de constater que les experts médicaux connaissent très bien les opinions des adultes sourds et n’hésitent pas à montrer « deux visages » quand il le faut.

D’ailleurs, un nouvel arrêté a vu le jour en avril 2006 concernant l’intervention du remplacement d’un implant.
Celui-ci complète le premier arrêté d’octobre 2002 se rapportant à l’intervention de l’implant même. Il aura suffi en 3 ans aux experts que l’implant ne pourra présenter toutes les faveurs, notamment chez les nouveau-nés.
Les politiciens ne font que suivre. Pour plus de détails, consultez le site du Moniteur belge : [www.ejustice.just.fgov.be].
Recherche via mot texte : cochléaire.

Comme disait encore ma femme... Une crise de conscience affecte tous ces professionnels qui veulent nous en faire des Barbie.
Un génocide est en cours.

J’ai encore fait l’expérience en postulant auprès d’un centre médical l’année dernière (à une période de doute pour mon poste actuel).
On ne m’a JAMAIS répondu.
Comme ils me connaissaient sans doute...
Ils avaient affaire à un adulte sourd « dangereux » pour leur bonne démarche.

Restons lucide... et combattons ensemble avec diplomatie.

Nicolas

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